MonFinancier.com : Pour commencer, présentez nous le Fonds FF Nordic Fund ? Quel montant d'encours gérez-vous ? Bertrand Puiffe : L'encours du fonds dépasse les 290 millions d'euros. C'est un fonds qui est investi dans les quatre pays nordiques donc la Suède, la Finlande, le Danemark et la Norvège, avec 45 à 50 valeurs en portefeuille.
MonFinancier.com : Quelle est votre stratégie d'investissement ?
B.F : Nous n'avons pas de biais dans le choix des pays, on choisit avant tout une valeur et non un pays en particulier. Notre démarche d'investissement est aussi basée sur le stock-picking. Cela consiste à rechercher des valeurs avec un fort potentiel de hausse de l'ordre de 15% minimum sur un an, sans prise en compte de l'indice de référence. Pour forger notre conviction, on regarde le business plan de la société, à savoir avec un horizon de 3 ans et derrière on détermine un objectif de cours à un an. C'est la philosophie du fonds .
MonFinancier.com : Les parts du fonds sont libellées en couronnes suédoises ? Pourquoi ce choix ?
B.F : Actuellement, les parts du fonds sont libellées en couronnes suédoises. Mais prochainement, il existera une part disponible en euros. Investir en couronnes suédoises n'est pas un problème en soi. Quand on regarde le comportement des marchés actions sur les trois dernières années, la couronne suédoise a fait l'objet de valeur refuge. Un investisseur de la zone euro qui avait investi dans le fonds libellé en couronne suédoise, a gagné 12 à 13% ne serait-ce que sur la devise. Aujourd'hui, la question mérite d'être posée avec la politique de la Banque centrale suédoise. Elle donne priorité à la compétitivité pour les sociétés exportatrices puisque 40% de l'économie suédoise est tournée vers l'export. Elle a une politique assez opportuniste d'affaiblissement de la couronne suédoise pour permettre aux sociétés suédoises de retrouver de la compétitivité à l'export. Dans la configuration actuelle, un investisseur euro peut perdre un peu sur la devise. Mais en contrepartie, il pourra profiter du surplus d'activité des sociétés exportatrices qui sont fortement exposées aux pays émergents. Et notre fonds est fortement pondéré sur ce type d'actifs…
MonFinancier.com : La Scandinavie est-elle un ilot de paix dans une zone euro agitée ? Si oui, pourquoi cette zone ne fait pas plus parler d'elle ?
B.F : Quand on regarde sur 15 ans, le marché nordique- retraité des dividendes- s'est apprécié de 78%. Le Dax a progressé de 51% quand le CAC40 a fait -13% sur la période. En dépit de cette surperformance, la Scandinavie est une zone peu regardée en France ou en zone euro. Contrairement aux idées reçues, les pays Scandinaves ne peuvent être considérés comme une zone exotique, où quand l'économie décolle, c'est la zone à la mode sur laquelle il faut investir. Ce sont des économies très défensives dont les marchés surperforment significativement les autres marchés. Pourquoi ? Parce qu'elles ont retenu les leçons du passé. Dans les années 90, la Scandinavie a connu une grave crise monétaire avec la couronne suédoise sur laquelle il y a eu une spéculation très importante. Il y a eu aussi une grave crise immobilière et bancaire sans précédent ou les trois quart des banques étaient en faillite. A partir de là, ils ont restructuré leurs banques. Cela a pris 10 ans, jusqu'à la fin des années 90. Pour revenir sur un modèle quasiment basé sur des banques de détails et finalement très peu d'activité d'investissement. Les bilans ont été assainis. Ce qui a permis à ces économies de surperformer très nettement les autres zones mondiales.
MonFinancier.com : Les actions nordiques semblent sous-valorisées, est-ce vraiment le cas ?
B.F : Si on regarde par rapport aux valorisations des actions de la zone euro, les actions nordiques affichent des niveaux de valorisation en-deçà de leurs moyennes historiques. Cependant, cette prime de 10 à 15% peut s'expliquer par les éléments présentés ci-dessous qui je vous le rappelle sont : des états peu endettés avec des niveaux de déficits inférieurs à 3% du PIB dont les autorités gouvernementales accompagnent l'activité des sociétés exportatrices. Les entreprises nordiques présentent également des fondamentaux sains : elles sont peu endettées voire elles sont capables de s'autofinancer. Une structure bilancielle saine à même d'assurer leur croissance sur le long terme. Beaucoup de ces sociétés font partie d' industries de pointe qui ne sont pas confrontées à la concurrence internationale et qui sont exposées directement ou indirectement à la croissance des pays emergents. Si on pense que la croissance dans la zone euro ne va pas repartir dans les trois à cinq années à venir, on a la possibilité via les pays nordiques de jouer les pays émergents d'Asie et d'Amérique du Sud. On a donc encore 10 à 15% de potentiel de hausse à prendre sur les marchés nordiques.
MonFinancier.com : Pouvez nous nous rappeler l'allocation géographique du fonds ?
B.F : 20% Norvège, 40% Suède, 25% Danemark et le reste, soit 15% en Finlande
MonFinancier.com :Avez-vous une préférence pour les gros poids lourds de la cote ou bien pour des valeurs petites et moyennes plus confidentielles ?
B.F : Les grandes capitalisations sont suivies par 45 analystes en moyenne du cote broker. Or, notre philosophie de gestion est de couvrir toutes les capitalisations de la zone avec un biais prononcé sur les actions de petites et moyennes capitalisations. Entre 3 milliards et 500 millions d'euros de capitalisation, il existe en effet un vivier de 400 à 500 sociétés. Comme au final, elles sont très peu suivies par les professionnels, il y a un intérêt plus important sur ces sociétés. Mais pas seulement, ces entreprises sont aussi des acteurs de niche qui sont sensibles à la thématique des pays émergents. On peut prendre en exemple la société SKF, qui est le leader mondial des roulements à billes. Les roulements à billes sont utilisés dans beaucoup d'applications industrielles comme les trains d'atterrissage des avions, les roues des camions, les turbines d'éoliennes, dans les systèmes d'automatisation des usines. Il existe un grand débouché : confrontées à une main d'oeuvre de plus en plus onéreuse, les entreprises chinoises souhaitent désormais automatiser leur production. Or, SKF répond à cette demande avec ses roulements à billes. Etonnement, SKF se traite avec une décote de 15% par rapport aux sociétés industrielles nordiques. Ce qui parait exagéré mais elle traduit une mauvaise compréhension du public du business model de SKF.
MonFinancier.com : Une autre idée de valeur… ?
B.F : On peut également citer Autoliv, le leader mondial des systèmes embarqués dans les voitures et surtout le premier fabricant mondial d'airbags et de ceintures de sécurité.La problématique qu'on a dans les pays émergents c'est qu'il y a trois fois plus de mortalité routière qu'en Europe. Alors ces pays ont mis en place des règles pour augmenter la sécurité dans les voitures. Et Autoliv peut bénéficier de cette nouvelle réglementation, ce qui lui offre un potentiel de croissance non négligeable. En plus d'avoir une position dominante dans le monde avec 40% de parts de marché, l'autre force de la société, c'est qu'elle a énormément de capacités de production dans le monde, ce qui la protège contre la concurrence locale. Par ailleurs, le suédois développe une partie électronique. Elle ne représente que moins de 10% du chiffre d'affaires d'Autoliv mais elle a vocation à croitre avec la demande en Europe mais aussi aux Etats-Unis. Ce dernier point n'est pas valorisé, la société ne se traitant que 10 fois ses bénéfices. Autre bon point pour le groupe, c'est qu'il n'a aucune dette, ce qui autorise Autoliv à racheter ses actions ou à mener une politique de croissance externe.