Quelques jours après la bourde de Standard & Poor's qui annonçait par erreur la dégradation de la note de la dette de la France, c'est le centre d'études européen, le Conseil de Lisbonne, qui remet en question le triple A de la France.
Selon cette étude qui prend en compte notamment la croissance, la compétitivité et la soutenabilité de la dette, ses experts classent l’hexagone en queue d'un classement, plus précisément entre l'Espagne (12e) et l'Italie (14e), deux pays qui sont actuellement dans le viseur des marchés et des agences de notation, et qui par ailleurs ont perdu leur triple A. Signe que la France est, elle aussi menacée, de l'avis de l'étude, par une contagion de la crise de la dette.
Les résultats sont trop médiocres pour un pays qui veut rester en tête", indique l'étude avant une conférence qui doit se tenir mardi à Bruxelles en présence du président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy.
Car si la France détient toujours le précieux triple A, la signature française n’est plus aussi solide que celle de nos voisins outre-rhin. Sur le marché obligataire, la France et l'Allemagne sont déjà traitées différemment. Les marchés exigent une prime de risque de plus en plus élevée pour financer la dette française plutôt qu'allemande, symptôme de la défiance qui place la France dans le viseur des marchés. Alors que le spread ne s'élevait qu'à 30 points de base en mai, depuis septembre, il n'a eu de cesse d'augmenter régulièrement, jusqu’à atteindre le double de la prime allemande
L'écart entre les deux pays s’élève désormais à 172 points, un nouveau record depuis l’introduction de la monnaie unique. A titre de comparaison, l’écart ne s’élevait en moyenne depuis la naissance de la zone euro, qu’à 16 points de base entre les obligations françaises et italiennes. Parallèlement, le taux à 10 ans français s’inscrit à 3.51%, une situation délicate car la France doit désormais payer le double de l’Allemagne qui pour sa part emprunte à 1.74%. Parallèlement, le CDS français à 5 ans grimpe de 6pdb à 219 points. A en croire ces niveaux, la France aurait déjà perdu son triple A, en tout cas selon les marchés. Cette envolée du spread est loin d’être sans conséquence. Pour donner un ordre de grandeur, s’il devait resté à ce niveau pendant une longue période, une augmentation de 1 point de pourcentage relève le cout du service de la dette de 20 milliards d’euros, l’équivalent des deux plans de rigueurs votés cette année par le gouvernement.
Une prime de risque exigée par le marché d’autant plus inquiétante que la France vient de dévoiler une croissance plus forte que prévue, de 0.4% au troisième trimestre.
Quant à la réduction des déficits, le gouvernement a annoncé un deuxième plan de rigueur qui représente 7 milliards d'euros d'économies ou de recettes supplémentaires d'ici à la fin 2012, auquel s’ajoute le précédent plan de rigueur de 12 milliards d'euros. Pourtant au lendemain de l’annonce du plan d’austérité, la commission européenne appelait déjà la France à faire plus d’efforts sur le front de l’assainissement budgétaire. Ces mesures sont "importantes", mais "pour ce qui concerne 2013, des mesures supplémentaires sont nécessaires pour corriger le déficit public excessif" du pays, a estimé M. Rehn, qui a exhorté Paris à "annoncer le plus vite possible" ce qu'il entend faire pour que son déficit reste conforme aux objectifs de l'UE.
Reste une incertitude, de nature politique. Car les élections présidentielles avancent à grand pas, ce qui n’a pas échappé aux agences de notation. La visibilité sur la politique économique et budgétaire en pâtit puisque l’alternance politique pourrait remettre en cause et détricoter les mesures d’assainissement budgétaires mises en place jusqu’à présent. Un manque de visibilité sur l’avenir qui alimente le cercle vicieux rigueur-récession-déficit.
Or, le couple franco-allemand est la clef de voute du FESF. Car c’est grâce à ce tandem que le fonds sensé constitué un rempart contre la contagion de la crise bénéficie des taux les plus attractifs. Noté triple A, le fonds pourra emprunter sur le marché obligataire en lieu et place des pays affaiblis. Si la propagation de la crise souveraine frappait la France, le dispositif du fonds de secours européen ne pourrait plus emprunter à des taux attractifs, ce qui mettrait en péril le processus de résolution de crise qui tue à petit feu la zone euro.