Mesure phare du programme présidentiel de Nicolas sarkozy, le bouclier fiscal, de plus en plus critiqué au sein même de la majorité, vit sans doute ses dernières heures. Le gouvernement a en effet l'intention de lancer en Juin 2011 une large réforme de la fiscalité, et de probablement supprimer le bouclier fiscal. Alors qu'il est encore possible de demander un remboursement pour les impôts payer en 2010, il peut être intéressant pour ceux qui bénéficiaient jusqu'alors du bouclier, de s'intéresser aux placements de défiscalisation pour 2011, ne sachant pas s'ils auront droit l'année prochaine à leur remboursement
Son fonctionnement
La règle du bouclier fiscal permet à un contribuable payant une année un montant d’impôt supérieur à la moitié de ses revenus annuels de demander l’année suivante un remboursement au Fisc.
18764 Français ont été concernés en 2009 par ce bouclier fiscal. Il ne s’agit pas uniquement des contribuables ayant de gros patrimoines. En effet, contrairement à ce qu’on pourrait penser, le bouclier fiscal n’est pas une mesure de réduction d’ISF, mais de réduction d’impôt global. Ce dispositif profite bien entendu aussi aux foyers ayant des revenus élevés (donc payant beaucoup d’impôts), souvent assujettis à l’ISF.
Mais une bonne partie des contribuables concernés par le bouclier fiscal ou des faibles revenus. En effet, le bouclier fiscal a entre autre été mis en place pour favoriser les contribuables disposant de faibles ressources avec un patrimoine non productif de revenus et dont la charge fiscale est difficilement supportable. Il s’agit par exemple d’agriculteurs ou de petits commerçants dont le terrain ou le patrimoine immobilier aurait pris de la valeur et se verrait donc imposés d’une forte taxe foncière. Ainsi, une personne ne payant pas d’ISF peut très bien être concernée par le plafonnement de l’imposition.
Pour déterminer si on est concerné par ce remboursement en 2011, il faut d’abord calculer les impôts payés en 2010 :
• L'impôt sur le revenu résultant du barème progressif.
• L’impôt à taux proportionnel (plus-values).
• Les prélèvements forfaitaires libératoires.
• La taxe forfaitaire sur les objets et métaux précieux.
• L'impôt sur la fortune (pris au montant plafonné).
• La taxe d'habitation et la taxe foncière de la résidence principale.
• Les contributions et prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, d’activité et de remplacement ou sur les produits de placements
Il faut ensuite diviser ce montant par les revenus perçus en 2009 :
• Les revenus nets catégoriels soumis à l’impôt sur le revenu. Il s’agit en principe du revenu brut global qui apparaît sur l’avis d’imposition.
• Les revenus du patrimoine sont retenus pour leur montant net avant abattement. Par exception, pour le micro foncier, il est tenu compte de l’abattement (comme pour le micro BIC).
• Les revenus ou plus-values soumis à un taux forfaitaire (prélèvement forfaitaire libératoire, l’impôt sur les plus-values, taxe forfaitaire sur les objets et métaux précieux)
• Les revenus exonérés d’impôts, tel que les produits des plans et comptes épargne logement, des plans d’épargne populaire, livrets jeunes, LDD, bons et contrat de capitalisation et placements de même nature (assurance vie) autres que ceux en unités de compte, les plus-values nettes professionnelles exonérées, le gain net réalisé ou la rente viagère versée lors d’un retrait ou de la clôture d’un PEA ou d’un contrat d’assurance vie multi supports.
• Certains revenus ne doivent pas être pris en compte : Ce sont les revenus en nature des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance, les prestations à caractère social (RMI, bourses d’études,…) ou familial (allocations familiales, APA, allocation de salaire unique…), les aides au logement, les plus-values immobilières exonérées d’IR.
• Enfin, certaines charges viennent diminuer les revenus à déclarer : Ce sont les cotisations ou primes versées sur un PERP ou un régime assimilé (PREFON, COREM, CRH,…) et certaines pensions alimentaires (voir les articles 205 à 211 du code civil).
Si le résultat de cette division est supérieur à 50%, vous avez le droit au remboursement.
Une remise en cause du bouclier fiscal…et de l’ISF
Dans quelques jours, on devrait avoir les premières estimations des remboursements de 2010 au titre du bouclier fiscal. Comme chaque année, ces chiffres devraient montrer une fois encore une égalité entre le nombre de contribuables aux petits revenus et ceux aux gros revenus ayant bénéficier d’un remboursement, mais une grande disparité sur le montant du remboursement en fonction de la situation patrimoniale de l’assujetti. En effet, ce sont les personnes les plus aisées, payant beaucoup d’impôts, qui ont reçoivent les remboursements les plus importants.
En 2009, 18 764 foyers ont reçu un chèque de remboursement du Trésor au titre des impôts qu’ils ont payés en 2008. En moyenne, les heureux bénéficiaires du bouclier fiscal ont reçu du Fisc un chèque de 36 186 Euros.
Parmi ces foyers, 9789 font partie des foyers ayant de faibles ressources. Comme ils sont propriétaires de leur résidence principale, ils doivent acquitter une taxe d’habitation et un impôt foncier largement supérieurs au montant de leurs revenus. C’est à ce titre qu’elles peuvent profiter du bouclier fiscal. Mais ces foyers ont reçu un chèque moyen de « seulement » 559 euros. Les autres foyers fiscaux, plus riches, ont donc reçu un chèque moyen de 75 000 euros. Pis, 1.169 contribuables se sont ainsi partagés 423 Millions d’Euros, soit un chèque moyen du Trésor Public représentant plus 362.000 Euros par foyer
« L’Affaire Bettencourt » a accentué le sentiment d’injustice des français face au bouclier fiscal. Liliane Bettencourt, 1ère fortune de France, aurait en effet reçu un chèque de 30 millions d’euros de la part du fisc, alors qu’elle est elle-même soupçonnée de fraude fiscale
Très critiqué par l’opposition pour son injustice, le bouclier fiscal est de plus en plus impopulaire au sein même de la majorité, notamment pour son coût. En effet, le bouclier a coûté 679 millions d’euros en 2009 et devrait couter 700 millions en 2010. De plus, la commission européenne de Bruxelles a demandé à la France de modifier le bouclier fiscal, qui serait contraire aux principes droit européen puisqu’il prend uniquement en compte les impôts payés en France.
Ainsi, en Novembre 2010, Nicolas Sarkozy s’est ainsi dit prêt à supprimer le bouclier fiscal à l’occasion de la loi de finances rectificative pour 2011. Néanmoins, supprimer le bouclier fiscal signifie tout simplement taxer plus les hauts revenus et les plus gros patrimoines. Cette suppression risquerait alors d’entrainait beaucoup d’exils fiscaux et donc une baisse des recettes pour l’Etat.
Pour éviter ces exils, la droite envisagerait de supprimer tout simplement l’ISF. Paradoxalement, elle se priverait alors des 3 milliards d’euros environ que lui procure chaque année cet impôt. Mais pour boucher ce trou, le président a annoncé la création d’un impôt sur les revenus du patrimoine.
S’il la suppression du bouclier fiscal en Juin est quasiment acté, celle de l’ISF pose encore question alors que le gouvernement annonçait en Mars dernier lors d’une colloque sur la fiscalité à Bercy deux scénarios possibles pour la réforme de l’ISF.
Alors que le premier scénario est la suppression de l’impôt sur la fortune envisagé par Nicolas Sarkozy en Novembre 2010, l’autre consiste simplement en une réforme de l’ISF. La première tranche serait supprimée. 300 000 contribuables ne seraient plus assujettis car on ne deviendrait imposable qu’à partir de 1,3 million d’euros contre 800 000 euros actuellement. Cette réforme aurait pour but de soulager les ménages aux revenus modestes mais qui était assujettis à l’ISF du fait de la flambée des prix immobiliers
Le Gouvernement réfléchit également à un barème rénové, plus simple, autour de 2 taux qui pourraient être de 0,25 % et 0,5 %. Cette seconde reforme profiterait alors principalement aux plus riches qui profiteraient d’un taux effectif plus faible. Par contre, les assujettis moins riches seraient largement défavorisés par cette reforme puisqu’il serait imposé sur l’ensemble de leur patrimoine.
Dans les deux cas, l’Etat subirait une perte de recettes due à la réforme de l’ISF, perte qui devrait être compensée par le nouvel impôt sur les revenus du patrimoine. Mais on en sera plus en Juin…
Que faire avec son bouclier et son ISF ?
Si le contribuable bénéficie du bouclier fiscal, il doit déposer entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011 une demande de plafonnement des impositions excédant le seuil de 50%. Il peut télécharger le formulaire 2041 DRID sur le site http://www2.impots.gouv.fr/bf/bf-accueil.htm, ou le demander à votre centre des impôts. Il doit joindre au formulaire un relevé d’identité bancaire et envoyer le tout à son centre des impôts.
Ce remboursement pourrait bien être le dernier cadeau octroyé par l’Etat. En effet, en Juin 2011, l’Etat devrait prendre des mesures pour supprimer le bouclier fiscal. Cette suppression ne devrait être effective qu’à partie de 2012, mais comme on n’est jamais sur de rien, il parait plus sûr de demander dès maintenant son remboursement
En règle générale, le particulier qui payait l’ISF mais bénéficiait du bouclier profite tire un bénéfice moindre (voire nul) d’un placement de défiscalisation ISF, car il obtiendrait une réduction d’impôt qu’il aurait déjà obtenue (partiellement ou totalement) grâce au bouclier fiscal.
Prenons un exemple chiffré : Jean a perçu au cours de l’année 2009 un revenu de 100.000€ et était redevable en 2010 d’un impôt de 60.500 € (dont 21.000€ d’ISF).
Pour réduire son imposition, Jean a placé en 2010 30.000€ dans un FIP anti-ISF, ce qui lui permet de réduire son imposition de 10.500€. Il va donc payer 50.000€ d’impôts en 2010. Mais la réduction est inutile car grâce au bouclier fiscal, son imposition ne pouvait de toute façon pas dépasser 50 000 euros (50% x 100.000 = 50.000). S’il n’avait pas investi dans un FIP, Jean aurait payé 60.500€ d’impôt en 2010, mais le fisc lui aurait remboursé 10.500€ en 2011. Dans les deux cas, Jean paye le même impôt mais dans le premier cas, il a du investir dans un FIP, avec les contraintes (risques, argent bloqué pendant 8 ans) que cela implique. L’investissement de 30 000 euros dans le FIP est donc inutile. Si Jean avait fait un investissement plus important, il aurait pu par contre bénéficier d’une réduction, mais relativement faible par rapport au montant investi. Les dispositifs de défiscalisation sont donc moins attractifs pour les assujettis au bouclier.
Alors que l’Etat devrait supprimer le bouclier fiscal en Juin, tout en supprimant ou allégeant l’ISF, reste à savoir s’il sera encore possible l’année prochaine d’obtenir un remboursement sur les impôts payés en 2011. En effet, si le bouclier fiscal et l’ISF sont tous les deux supprimés en 2012, certains assujettis subiraient une imposition bien plus lourde en 2011 que les années précédentes, ne profitant pas de remboursement du bouclier fiscal. Il va donc falloir s’intéresser aux placements pour réduire l’ISF, tout en suivant de près les sur le loi de finances rectificatives pour 2011