Les marchés : Un drame deux actes
La semaine se termine avec une perte de 1% pour le CAC 40, tiraillé par plusieurs actualités fortes. Ce soir, l’indice français perd 0,36%, à 7 752 points, au terme d’une seconde séance sans direction claire. En toile de fond, le bras de fer judiciaire aux États-Unis autour des droits de douane imposés par Donald Trump. Un drame en deux actes. Du moins, pour le moment… Mercredi soir, le Tribunal de commerce international des États-Unis a suspendu les droits de douane réciproques imposés par Trump le 2 avril.
Les juges estiment qu’il a outrepassé ses pouvoirs et que seul le Congrès peut définir la politique douanière américaine. Hier soir, une cour d’appel a suspendu temporairement cette décision pour se laisser le temps de juger le fond du dossier, alimentant les tensions commerciales. L’affaire est loin d’être terminée, d’autant que l’administration Trump préparerait un plan B. Par ailleurs, la Cour suprême, à majorité républicaine, pourrait trancher le dossier.
Côté économie, le PCE Core était attendu cet après-midi, mais il laisse perplexe Wall Street qui évolue en légère baisse cet après-midi. Hors alimentation et énergie, la mesure d’inflation préférée de la Fed ressort à +2,5% sur un an en avril, contre +2,7% en mars. Tous prix confondus : +2,1% en avril contre +2,3% en mars. L’inflation ralentit mais ne parvient pas à éclipser le flou artistique autour de la bataille judiciaire sur les droits de douane.
Sur le front des entreprises, Sanofi chute de 4,84% après l’annonce de résultats décevants dans un essai clinique sur un traitement respiratoire. Surtout, nous consacrons une bonne partie de cette édition aux résultats de Nvidia et à notre nouvel objectif boursier sur le mastodonte américain. Bonne lecture !
Les valeurs : Sanofi, EssilorLuxottica et VusionGroup
Sanofi
Sanofi trébuche lourdement en Bourse ce vendredi, -4,84% à 87,52€, signant la plus forte baisse du CAC. En cause, l’échec partiel d’un essai clinique sur un traitement prometteur contre la bronchite du fumeur. Si une première étude a montré des résultats encourageants, la seconde, pourtant menée sur une population similaire, a échoué à atteindre son objectif principal. Une mauvaise surprise pour les investisseurs, alors que le marché fondait de grands espoirs sur cette molécule co-développée avec la biotech américaine Regeneron.
Ce revers clinique fragilise la stratégie de Sanofi, engagée dans un effort important de Recherche & Développement pour sortir de sa dépendance au Dupixent, son blockbuster actuel. La molécule testée faisait partie des douze candidates à fort potentiel mises en avant fin 2023 lors d’un « R&D Day ». Mais ce raté pourrait entraîner des surcoûts, des délais réglementaires, et surtout, ternir la crédibilité du groupe. Depuis le début de l’année, le titre cède 7%.
EssilorLuxottica
EssilorLuxottica cède 1,21% à 244,70€ malgré une annonce stratégique d’envergure. Le géant de l’optique vient de signer un accord pour racheter Optegra, un réseau européen de cliniques ophtalmologiques. Présent dans cinq pays clés (Royaume-Uni, Pologne, Pays-Bas, Slovaquie et République Tchèque), Optegra représente un levier décisif pour ancrer la stratégie médicale du groupe, bien au-delà des verres et montures.
Une opération qui s’inscrit dans l’ambition de construire un parcours patient intégré, digitalisé, et adossé à l’intelligence artificielle. La transaction, dont le montant reste confidentiel, devrait être finalisée d’ici fin 2025. En attendant, les investisseurs attendent des preuves concrètes que la greffe médicale accélèrera la croissance du groupe. Depuis le début de l’année, le titre gagne 4%.
VusionGroup
Le spécialiste des étiquettes électroniques décroche une nouvelle fois la première place du SBF 120, avec un bond de 3,93% à 227,60€. En toile de fond, le relèvement de l’objectif de cours de la banque d’investissement allemande Berenberg, désormais fixé à 257 euros, soit un potentiel de hausse d’environ 13%. La banque salue le contrat stratégique décroché avec l’enseigne britannique Co-op, un partenariat qui ouvre grand les portes du marché UK, encore très peu digitalisé. Pour mémoire, l’étiquetage électronique ne couvre qu’1% des rayons britanniques et représente donc un gisement commercial estimé à plus d’un milliard d’euros.
Avec une part de marché mondiale de 40 à 45%, VusionGroup est idéalement positionné pour s’imposer dans ce nouveau relais de croissance. D’après Berenberg, les distributeurs Tesco et Co-op représenteraient ensemble plus de 200 millions d’étiquettes à équiper. Le titre, éligible au PEA-PME, a déjà gagné plus de 28% depuis janvier et profite d’un carnet de commandes bien rempli, notamment aux États-Unis.
Le résultat du vendredi : +69% en un an
Les résultats trimestriels de Nvidia sont exceptionnels. Une fois de plus, et malgré les restrictions américaines. L’administration Trump limite en effet les exportations de puces vers la Chine. Cette mesure protectionniste a provoqué un manque à gagner de 8 milliards de dollars au premier trimestre pour le groupe. Pas de quoi l’effrayer, ses résultats ressortent supérieurs aux attentes du marché, avec un chiffre d’affaires trimestriel de 44,1 milliards de dollars, en hausse de 69% sur un an !
Sur la période, son bénéfice progresse de 26%, à 18,8 milliards. Si la marge brute (voir lexique) recule à 61% en raison de la charge exceptionnelle liée aux stocks de ses puces devenues invendables en Chine, le bénéfice par action reste solide. Pour le trimestre en cours, Nvidia prévoit 45 milliards de dollars de chiffre d’affaires, plus qu’attendu par le marché, et une croissance de près de 50% sur un an malgré l’impact des sanctions.
Le PDG Jensen Huang a toutefois mis en garde contre les effets à long terme de la politique américaine. Selon lui, exclure la Chine (un marché de 50 milliards) ne la freinera pas. Washington risque au contraire de renforcer la concurrence locale et sa capacité à trouver des alternatives aux puces américaines. Il alerte d’ailleurs sur les avancées rapides de Pékin en matière d’IA. En tout cas, on continuera de suivre de près Nvidia dans les prochains mois !
Le monde d'après : La performance indienne
L’Inde signe un trimestre impressionnant avec une croissance du PIB de 7,4%, supérieure aux attentes. Ce bond, soutenu par la construction, l’industrie manufacturière et une hausse des recettes fiscales, conforte le gouvernement Modi qui mise sur les classes moyennes et la relance intérieure pour doper la consommation. En parallèle, les baisses de taux attendues de la Banque centrale pourraient encore stimuler l’activité.
Malgré ce coup d’accélérateur, la croissance annuelle sur l’exercice clos en mars ressort à 6,5%, contre 9,2% l’an dernier. Pour atteindre le statut de pays développé d’ici 2047, l’Inde devra viser une croissance structurelle de 8% par an, selon de nombreux économistes. Mais dans un monde qui tourne au ralenti, un rythme autour de 6 à 6,5% devrait devenir la norme pour le pays le plus peuplé au monde.
L’Inde conserve son rang de pays à la croissance la plus rapide du G20, avec une économie estimée à 4 200 milliards de dollars, en passe de rattraper celle du Japon. Sa position géopolitique avantageuse, notamment face à la Chine, et une politique tarifaire américaine plus clémente, renforcent son attrait pour les investisseurs internationaux. À l’heure où l’Europe est à la traîne et où la Chine peine à redémarrer, l’Inde s’impose comme un relais de croissance stratégique pour les portefeuilles diversifiés.
Le lexique : La marge brute
La marge brute représente la différence entre le chiffre d’affaires d’une entreprise et le coût des biens ou services vendus. Elle mesure la rentabilité directe de l’activité, avant prise en compte des frais de fonctionnement (salaires, loyers, marketing, etc.). Elle s’exprime généralement en valeur absolue ou en pourcentage du chiffre d’affaires.