En jouant avec la patience du marché, l’Espagne risque de se prendre à son propre jeu car elle commence à sérieusement agacer les investisseurs en s’obstinant à repousser une demande d’aide financière auprès de ses partenaires européens.
Depuis le lancement le 6 septembre dernier par la BCE d’un programme de rachats d’obligations souveraines en quantité illimité pour faire baisser les couts d’emprunts des pays en difficulté, Madrid profite d’une accalmie salvatrice sur ses couts d’emprunts, et hésite depuis à franchir le pas.
On peut la comprendre, car demander un plan de sauvetage revient à se placer de facto sous tutelle européenne. L’Espagne devra alors se plier aux recommandations de la Troika, avec à la clef des reformes douloureuses, notamment sur l'allongement du départ à la retraite qui devrait passer de 65 à 67 ans. Madrid essaye de gagner du temps, mais elle n'a pas le choix. Elle a besoin de toute urgence du programme de la BCE.
Et ce d’autant que la situation sur place s’envenime de jour en jour. Selon la banque d’Espagne, « Les données disponibles pour le troisième trimestre de l'année suggèrent que le produit intérieur brut a continué à baisser à un rythme significatif, dans un contexte de tension financière toujours très élevée. »
Plombée par la récession, le gouvernement espagnol indiquait de son coté que le déficit budgétaire avait légèrement augmenté, pour ressortir à 4,8% du produit intérieur brut (PIB) au cours des huit premiers mois de l'année, mais que le pays restait en bonne voie pour atteindre son objectif d'un déficit public de 6,3% du PIB en 2012.
En outre, les puissantes régions autonomes espagnoles ont accusé un déficit combiné de 0,8% du PIB au premier semestre. Alors qu'on attend en fin de semaine l'audit bancaire censé évaluer la fragilité du secteur bancaire espagnol, et le projet de finance pour 2013, on apprenait que les 3 plus importantes provinces espagnoles ont déjà besoin de 10 milliards d'euros, dont 5 milliards rien que pour la Catalogne, qui pèse un cinquième du PIB.
L’envolée des déficits des régions liée à leur exposition à un secteur immobilier sinistré, combinée à l’effondrement des recettes du à la récession, complique l’équation de jour en jour.
De quoi relancer l ‘inquiétude des marchés quant à la capacité de l’Espagne à s’extirper de sa crise souveraine.
En conséquence, le CDS à 5 ans de l’Espagne qui reflète le cout d’une assurance contre un défaut de payement s’envole de 23 points de base pour s’établir à 390 points.
Signe de l’impatience des marchés, le taux à 10 ans s’envole de 23 points pour s’inscrire à 5,91%. S’il fallait une preuve que les marchés mettent la pression sur l’Espagne pour qu’elle demande une aide officielle, c’est désormais chose faite.