Depuis un an, ce qui se joue sur le pétrole est fascinant. Un immense jeu d'échecs économique et géo politique. A la manoeuvre, encore et toujours, l'Arabie Saoudite qui a pris deux décisions ces deux derniers jours: maintenir une production élevée ET emprunter pour la première fois de son histoire sur les marchés financiers. Une stratégie dangereuse mais passionnante.
Grande première sur le marchés des emprunts d’États. Un pays qui n’a jamais, mais jamais, emprunté d’argent sur les marchés parce qu’il n’en a jamais eu besoin va lancer pour la première fois un emprunt. Ce pays c’est l’Arabie Saoudite. Il faut dire que quand votre endettement est inférieur à 7% de votre PIB comme c’est le cas pour l’Arabie Saoudite cette année, pas besoin d’aller chercher de l’argent. Mais quand il va augmenter à plus de 17% du PIB en 2016 et à 50% dans 5 ans, la donne change. L’Arabie Saoudite pourrait certes encore puiser dans ses réserves de change mais elles baissent rapidement, elle sont à 650 milliards de dollars, une baisse de près de 100 milliards de dollars en un an seulement. Le profil des finances saoudiennes a radicalement changé en un an.
LA BAISSE DU PÉTROLEC’est la baisse du pétrole qui a provoqué ce changement. En grande partie. La guerre au Yemen pèse aussi mais quand votre économie dépend d’un unique produit et que ce produit perd plus de 50% de sa valeur en un an, il y a de quoi être secoué. Mais ce qui est fascinant dans le cas de l’Arabie Saoudite c’est qu’elle est en partie responsable de l’accélération de la chute. Elle a encore annoncé ce week end qu’elle ne réduirait pas sa production de pétrole malgré la chute des cours et le ralentissement de la demande. L’Arabie Saoudite a une stratégie et elle la met en pratique quel que soit le coût pour son économie. Une stratégie économique puisqu’elle veut éliminer une partie de ses concurrents américains dans le gaz et le pétrole de schiste, une stratégie géo politique puisqu’elle veut affaiblir ses deux ennemis directs et indirects, l’Iran et la Russie.
UN PARI A DEUX ANSAvec ces emprunts, l’Arabie Saoudite se donne donc les moyens de tenir. Le pari de l’Arabie Saoudite c’est que dans deux ans au plus tard les cours du pétrole rebondiront naturellement. Tout d’abord parce que l’offre, notamment aux États-Unis, va se réduire. Et d’autre part, parce que la demande, en partie stimulée par la faiblesse des cours va rebondir. C’est une passionnante partie d’échecs qui se joue sous nos yeux. Il est rare de voir un pays mener une stratégie qui a pour conséquence son propre affaiblissement économique mais l’Arabie Saoudite veut rester le leader du marché du pétrole. Quel qu’en soit le prix. Finalement acheter des emprunts d’États Saoudien c’est peut être une bonne affaire.