Les stratégies patrimoniales et fiscales que nous mettons en place avec nos clients dépendent de la loi en vigueur au jour où nous prodiguons le conseil. Or dans ce contexte de crise politique et d’incertitude législative, nos conseils sont-ils pérennes ? Quelle loi s'appliquera sur vos revenus 2024 ?
Les solutions que nous vous proposons doivent souvent s'envisager sur le long terme. Dans quelle mesure un nouveau gouvernement peut-il mettre en péril nos recommandations ? Pire encore, le législateur a-t-il la faculté de "remonter dans le temps" et d’appliquer une nouvelle loi rétroactivement ?
En France, le principe général de non-rétroactivité est prévu à l’article 2 du Code Civil :
"La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif."
En droit pénal, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 évoque le principe de légalité des peines et précise qu’aucune personne ne peut être punie pour un acte qui n’était pas défini comme une infraction par la loi au moment où il a été commis.
"La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.”
Ces dispositions garantissent aux citoyens une certaine sécurité juridique en cas de changement législatif.
Notons toutefois l’existence de la rétroactivité in mitius en droit pénal consistant en l'application d’une loi plus douce à des faits commis avant sa promulgation, à condition que ces faits n’aient pas encore été définitivement jugés. En d’autres termes, si une nouvelle loi réduit les peines ou supprime une incrimination, cette loi peut être appliquée rétroactivement pour bénéficier aux personnes concernées. Ce principe vise à garantir une certaine justice et équité en permettant aux individus de bénéficier des lois plus clémentes, même si les faits reprochés ont été commis sous une législation plus sévère.
Toutefois, il existe des exceptions à ce principe de non-rétroactivité de la loi, notamment en matière fiscale.
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En matière fiscale, certaines lois peuvent avoir un effet rétroactif, bien que cela soit de plus en plus encadré par la jurisprudence pour protéger la sécurité juridique.
Le législateur peut adopter des dispositions fiscales rétroactives pour des motifs d’intérêt général suffisants, à condition de ne pas priver les contribuables des garanties légales des exigences constitutionnelles.
Par exemple, une loi peut être rétroactive pour lutter contre la fraude fiscale ou pour se conformer à une décision de justice.
Le contribuable se retrouve alors confronter à différents risques :
L’impact financier : La rétroactivité peut avoir des conséquences financières importantes, par exemple en ajoutant un impôt sur une période antérieure. Des coûts imprévus, notamment si des avantages fiscaux sont supprimés, peuvent affecter les finances personnelles ou la trésorerie d’entreprise.
La modification des droits acquis : Les lois rétroactives peuvent modifier ou annuler des droits acquis, ce qui peut affecter les contrats, les montages juridiques, et autres stratégies patrimoniales pris avant l’adoption de la loi.
L’incertitude juridique : La rétroactivité rend difficile la planification fiscale future. Les contribuables hésitent à prendre des décisions financières importantes en raison des éventuels changements rétroactifs.
Pour le calcul de l’impôt sur le revenu, la loi applicable est celle en vigueur au 31 décembre de l’année d’imposition. Cela signifie que des modifications législatives peuvent s’appliquer rétroactivement à l’ensemble de l’année fiscale. Les décisions financières basées sur la législation antérieure se retrouvent affecter.
Le Conseil constitutionnel admet depuis longtemps la validité de la « petite rétroactivité », car finalement les dispositions des lois de finances applicables aux revenus de l’année de leur promulgation entrent en vigueur avant le fait générateur de l’impôt.
Quelques exemples :
La loi de finances de 2018 promulguée le 30 décembre 2017 a édité une règle applicable sur les intérêts d’assurance vie liés à des versements à compter du 21 septembre 2017. Si cette “loi Macron” allège la fiscalité du placement préféré des français, il n’en reste pas moins qu’elle a une prise d’effet antérieure à son édition. Et voilà une règle fiscale rétroactive.
Plus récemment, avec la loi de finances de 2024, les loueurs de meublés touristiques ont eu des sueurs froides. En effet cette loi publiée au Journal Officiel le 30 décembre 2023 avait pour effet de changer les règles fiscales applicables aux revenus issus des locations AirBnb, Booking , Abritel perçus à partir du 1er janvier ... 2023 ! Abaissement du seuil pour le micro-BIC de 77 700 € à 15 000 €, passage de l’abattement de 50% à 30% ... autant de nouvelles règles fiscales que le contribuable n’avait pas pu anticiper. Finalement l’administration fiscale a précisé lors d’une publication du 14 février 2024 que les loueurs concernés avaient le choix et pouvaient demander l’application des règles anciennes plus favorables pour l’imposition des revenus de 2023.
"Toutefois, afin de limiter les conséquences d’une application rétroactive de cette mesure à des opérations déjà réalisées, il est admis que les contribuables puissent continuer à appliquer aux revenus de 2023 les dispositions [...], dans leur version antérieure [...]."
Un vrai couac fiscal !
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L'impôt sur le revenu
En matière d’impôt sur le revenu (IR), la législation applicable est celle en vigueur au 31 décembre de l’année au titre de laquelle l’impôt est établi (soit l'année du fait générateur de l'impôt).
Ainsi c’est la future loi de finances 2025 votée en fin d’année 2024 qui déterminera les modalités d’imposition de vos revenus perçus sur l’année 2024.
Les simulations d’imposition sur vos revenus (plus-values mobilières, dividendes, traitements et salaires, revenus fonciers, BIC, BA, BNC, etc.) sont donc basées sur un barème obsolète puisque le nouveau calcul ne sera connu qu’à la fin de l’année.
Les plus-values immobilières
Les plus-values immobilières des particuliers supportent un impôt acquitté lors de la cession de l’immeuble. La législation applicable est donc celle en vigueur au jour de la cession.
Les intérêts d’assurance vie
Il faut faire une distinction en fonction des intérêts retirés lors du rachat sur le contrat d’assurance vie.
• Les intérêts liés aux versements avant le 27 septembre 2017
Ces intérêts sont par principe soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu qui sera connu à la fin de l’année.
Sur option, au moment du rachat, le contribuable peut choisir l’application d’un prélèvement libératoire (15 % contrat entre 4 et 8 ans ou 7,5 % contrat de plus de 8 ans). Ce prélèvement réalisé par l’assureur n’est pas un acompte, mais bien un impôt définitif. Une modification du taux après la date de rachat ne changera pas l’imposition déjà acquittée.
• Les intérêts liés aux versements après le 27 septembre 2017
Ces intérêts sont assujettis au moment du rachat au prélèvement forfaitaire unique de 12,8% pour les contrats de moins de 8 ans et 7,5% pour les contrats de plus de 8 ans. Le prélèvement n’est qu’un acompte non libératoire. Une régularisation est effectuée en année N+1 au moment de la déclaration des revenus. Une nouvelle loi de finances pourrait alors impacter le montant de l’impôt prévu initialement.
L’impôt sur les sociétés
En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés (IS), la législation en vigueur au moment de la clôture de l’exercice s’applique. La clôture de l’exercice peut résulter de divers événements : la clôture normale de l’exercice, la vente du fonds de commerce, la dissolution de l’entreprise, la cessation d’activité, ou le passage de l’IS à l’impôt sur le revenu (IR).
L’impôt sur la fortune immobilière
Le fait générateur de l’IFI est le 1er janvier de l’année. L'IFI payé en 2024 suit donc les règles issues de la loi de finances pour 2024 promulguée en décembre 2023.
Les droits de succession et de donation
Pour les droits de mutation à titre gratuit, la législation applicable est celle en vigueur au jour de la donation ou de l’ouverture de la succession.
Mais le prochain gouvernement a toute latitude pour changer les règles du jeu : rallongement du délai du rappel fiscal aujourd’hui fixé à 15 ans, baisse de l’abattement en ligne direct aujourd'hui de 100 000 €, réévaluation du barème d’imposition...
Par exemple, récemment la loi de finances pour 2024 a introduit un changement important concernant la déductibilité des créances en cas de donation démembrée. Désormais, la dette de restitution liée à un quasi-usufruit portant sur une somme d’argent n’est plus déductible pour le calcul de l’actif successoral. Cela signifie que si le défunt a conservé l’usufruit de la somme d’argent donnée, la valeur de cette dette de restitution est soumise aux droits de succession.
Ce changement vise à éviter les abus liés à la déductibilité de ces dettes, qui pouvaient réduire de manière significative l’assiette des droits de succession.
Qu’il y ait rétroactivité de la loi ou non, les stratégies patrimoniales et de planification successorale mises en place aujourd’hui devront probablement être réévaluées et adaptées en fonction des nouvelles mesures. Rien n’est figé dans le marbre et les conseillers Meilleurtaux Placement se tiennent à votre disposition pour vous accompagner sur le long terme.
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