Jeudi 20 juin

C’est assez rare pour le souligner : le droit de la famille a subi quelques modifications qui relèvent du bon sens ! La Loi du 31 mai 2024 entrée en vigueur le 2 juin 2024 vise à assurer une “justice patrimoniale au sein de la famille” notamment en cas de divorce, décès et indignité.

À l’initiative du projet, il y a le député Hubert OTT qui, avec cette proposition, « vise à préserver les intérêts des ex conjoints et des héritiers, en cas de divorce, de dissolution du PACS ou d’homicide conjugal. Elle a finalement vocation à éviter la double peine aux victimes et covictimes en préservant leur intégrité patrimoniale. ».

Retour sur les 4 points majeurs de cette mini-réforme du droit de la famille.


Souplesse accordée sur la solidarité fiscale


La loi prévoit la solidarité fiscale (article 1691 bis Code General des Impôts) : Les époux et partenaires de PACS sont tenus solidairement au paiement de l’impôt sur le revenu, l’IFI et la taxe d’habitation.

Le problème soulevé par le député Hubert OTT est qu'"en cas de séparation, une dette fiscale peut peser injustement sur l’un des ex conjoints et il s’agit à plus de 80 % de femmes, alors même que la séparation entraîne déjà pour une grande majorité d’entre elles, une perte sensible de revenus. Leur situation financière peut être encore plus dégradée par le paiement d’impositions sur des revenus dont elles n’avaient pas connaissance ou dont elles n’ont pas bénéficié."

Si la loi de finances pour 2008 avait déjà créé une exception avec la décharge de solidarité fiscale en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale du demandeur, dans la pratique les conditions étaient rarement réunies et la décharge était souvent refusée.

Depuis le 2 juin 2024, cette condition relative à la disproportion n’est plus nécessairement requise.

L’administration fiscale a le droit désormais de distinguer les deux contribuables qui forment le foyer fiscal dans le cadre de la remise gracieuse, et pourra donc libérer l’ex-conjoint innocent de la dette fiscale, mais sans pour autant en libérer l’ex-époux fraudeur.

Pour que la remise gracieuse soit accordée, l'ex-époux victime devra répondre à deux conditions :

    • Être séparé, divorcé ou avoir rompu son Pacs.

    • Être personnellement exemplaire sur le plan fiscal (ni coupable, ni complice de la fraude, et avoir personnellement effectué ses déclarations fiscales de manière irréprochable).

L'innocence et le fait que l’époux victime n'ait pas été informé des fraudes de son ex-conjoint seront donc des points cruciaux pour obtenir la décharge de la solidarité fiscale.

À retenir : Sur demande, l’administration fiscale pourra décharger un contribuable du paiement de l’impôt dû par son ex-conjoint fraudeur à condition d’avoir été irréprochable aux yeux du fisc français.


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Souplesse accordée sur la solidarité fiscale


Les articles 726 et 727 du Code Civil permettent d’exclure de la succession les personnes condamnées pour avoir "volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt". Mais jusqu’à présent les avantages matrimoniaux n’entraient pas dans le champ d’application de cette indignité.

En d’autres termes, le conjoint reconnu comme "indigne" était privé de ses droits sur la succession de son époux mais bénéficiait toujours des avantages matrimoniaux prévus conventionnellement.

Par exemple, lorsque les époux choisissent le régime de la communauté universelle avec attribution intégrale au survivant, il n’y a pas de liquidation de la succession puisque tout est réputé appartenir au conjoint survivant. Or, si le conjoint survivant est l’auteur d’un crime sur son époux, il conserve quand même les avantages matrimoniaux, à savoir "devenir propriétaire de l’intégralité du patrimoine du couple".

L’entrée en vigueur de cette loi sur la justice familiale a corrigé cette aberration : désormais l’indignité prive le conjoint de l’application des avantages matrimoniaux qui lui sont favorables. Lorsqu’un apport à la communauté a été réalisé par la victime, cet apport ouvre droit à récompense due par la communauté (nouvel article 1399-5 du Code Civil.)

La déchéance s’applique de plein droit lorsque l’époux a été condamné pour le meurtre de son époux.

"L'époux condamné [...] pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort à son époux [...] est, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, déchu de plein droit du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l'un des époux et qui lui confèrent un avantage." (Nouvel article 1399-1 du Code Civil.)

La déchéance peut s’appliquer sur demande de l’époux victime ou d’un héritier lorsque l’époux a été condamné comme auteur ou complice de tortures, de violences volontaires, de viol, pour témoignage mensonger ou dénonciation calomnieuse. (Nouveaux articles 1399-2 et 1399-3 Code Civil)

À retenir : Les avantages matrimoniaux mis en place pendant le mariage seront caduques en cas de divorce ou de décès d’un des époux, si ce dernier a été victime de meurtre, violences, tortures ou viols de la part de son ex-conjoint.


Sort des avantages matrimoniaux à l’occasion du divorce


Les avantages matrimoniaux sont révoqués de plein droit au divorce. Cette révocation automatique a notamment de lourdes conséquences en matière de liquidation des régimes matrimoniaux de participation aux acquêts.

Rappel du fonctionnement du régime matrimonial de la participation aux acquêts : il s'assimile au régime de la séparation de biens pendant le mariage, et au régime de la communauté légale lors de la dissolution du mariage en offrant la possibilité à chacun des époux de participer pour moitié en valeur aux acquêts.

Généralement ce type de régime matrimonial est assorti d’une convention prévoyant que les biens professionnels sont exclus du calcul de la créance de participation. Mais en cas de divorce, cette convention reconnue comme un avantage matrimonial est révoquée. Cela crée une incertitude dans la gestion du patrimoine du chef d’entreprise.

Désormais le nouvel article 265 du Code Civil dispose que les époux peuvent prévoir dès la conclusion du contrat de mariage ce qui sera ou pas révoqué en cas de divorce. Ils scellent ainsi dès la rédaction des avantages matrimoniaux leur sort en cas de divorce.

À retenir : Les époux peuvent désormais indiquer si les avantages matrimoniaux mis en place pendant le mariage seront maintenus ou non au moment du divorce.


Possibilité de réaliser un inventaire au décès du 1er époux


Le chapitre du code civil relatif aux dispositions générales des régimes matrimoniaux a été complété par un nouvel article 1399-6 "Un inventaire peut être établi au décès de l'un des époux [...]"

Dorénavant, en cas de décès d’un des époux mariés sous le régime de la communauté universelle, les héritiers pourront demander l’établissement d’un inventaire du patrimoine du couple afin d’obtenir plus de transparence et évaluer les opportunités d’une action en réduction ou retranchement s’ils s’estiment lésés.

Rappel du fonctionnement du régime matrimonial de la communauté universelle : tous les biens entrent la communauté. Il n’existe donc qu’un seul patrimoine commun aux époux. En ajoutant une clause “attribution intégrale au conjoint survivant”, les époux entendent se protéger davantage car tous les biens seront attribués au conjoint survivant au décès du premier époux, et réputés lui appartenir dès le départ. Il n’y aura pas de liquidation successorale.

À retenir : Les enfants d’un parent décédé pourront demander la réalisation d’un inventaire du patrimoine du défunt, transmis au conjoint survivant en raison du régime de la communauté universelle avec attribution intégrale au conjoint. Cela permettra de s’assurer qu’aucun héritier n’est lésé.


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