Les marchés : L'ultimatum de Trump
La Bourse de Paris débute la semaine sur la pointe des pieds. Le CAC 40 grappille 0,35% ce lundi pour revenir à 7 723 points. Une progression timide, qui cache la nervosité ambiante. Les investisseurs restent suspendus à l’ultimatum commercial de l’administration Trump. Les fameuses lettres de doléances aux partenaires commerciaux sont attendues ce lundi, avec une échéance fixée à mercredi pour négocier… ou subir.
À défaut d’accords, les surtaxes douanières grimperont dès le 1er août, selon le secrétaire au Commerce. Dans les coulisses, la présidente de la Commission européenne tente de limiter la casse, Ursula von der Leyen a eu un « bon échange » avec Trump ce week-end, mais l’Europe reste dans le viseur.
Au-delà de l’Europe, Trump cible désormais les pays jugés trop proches du bloc des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Tous pourraient écoper d’une surtaxe additionnelle de 10%. Un climat d’incertitude qui rappelle à quel point la diplomatie commerciale de Trump est tout sauf lisible. Outre-Atlantique, Wall Street démarre la séance dans le rouge, les trois grands indices perdent environ 0,7% pour le moment. Tesla agite à nouveau la cote, on en reparle ci-dessous.
La Fed reste aussi dans tous les esprits. Les marchés, qui tablaient encore récemment sur une baisse des taux dès juillet, repoussent désormais leurs espoirs à septembre. Entre menaces commerciales, relance budgétaire de 3 000 milliards et inflation sous haute surveillance, la Banque centrale américaine a des marges de manoeuvre très limitées. Un scénario qui accentue le parfum d’instabilité, en plein cœur de l’été boursier.
Les valeurs : Capgemini, Tesla et Semco Technologies
Capgemini
Capgemini a annoncé ce lundi le rachat de l’américain WNS pour 3,3 milliards de dollars hors dette. Cette opération vise à renforcer les capacités du groupe français dans l’IA agentique, ces intelligences artificielles capables d’agir et de décider de manière autonome. Ce virage stratégique s’inscrit dans une volonté de Capgemini de mieux répondre à la demande croissante de solutions d’automatisation intelligente dans les appels d’offres. WNS, qui affiche une solide marge opérationnelle (18,7% contre 13,3% pour Capgemini), est vu comme un levier important de croissance.
Mais ses récents déboires, notamment la perte d’un gros client dans la santé, suscitent des interrogations. D’autant que la prime payée par Capgemini représente 28% de plus que le cours moyen des trois derniers mois, une générosité qui fait tiquer les marchés. Son action chute à la dernière place du CAC 40 ce soir, -5,58% à 137,15€, les investisseurs redoutant un prix trop élevé. Capgemini prévoit toutefois des synergies commerciales pouvant atteindre 140 millions d’euros et anticipe un impact positif sur son bénéfice par action d’ici 2027. La finalisation du rachat est attendue d’ici fin 2025. Depuis le début de l’année, le titre cède désormais 13%.
Tesla
L'action Tesla dévisse de 7,4% à 292$ ce lundi à Wall Street, après l'annonce par Elon Musk de la création de son propre parti politique, "le Parti de l’Amérique". L’initiative du patron de Tesla, ancien proche de Trump aujourd’hui en conflit ouvert avec lui, renforce les craintes d’un bras de fer politique aux lourdes conséquences économiques. Musk, qui vise quelques sièges au Congrès américain, ne peut pas briguer la présidence mais pourrait influer sur les équilibres parlementaires.
Trump a déjà menacé de couper les subventions à Tesla et SpaceX, attisant l’inquiétude des investisseurs. Pour le groupe financier Wedbush, Musk "s’éloigne des priorités de Tesla à un moment crucial", notamment avec le lancement des robotaxis et les projets en matière d’autonomie des véhicules, essentiels à la valorisation du groupe. L’ombre d’une guerre politique plane désormais sur l’avenir technologique de Tesla. Depuis le début de l’année, le géant américain abandonne 27% en Bourse.
Semco Technologies
Semco Technologies signe un retour remarqué des IPO à Paris après plus de six mois sans nouvelle introduction en Bourse. Le spécialiste des composants stratégiques pour la fabrication de semi-conducteurs de nouvelle génération fera son entrée en Bourse ce mercredi, valorisé à 154 millions d’euros après une opération largement sursouscrite (5,6 fois). La société, basée à Montpellier, conçoit des composants à haute valeur ajoutée, indispensables aux puces nouvelle génération pour l’IA, la défense ou la santé.
L’IPO doit permettre à Semco d’accélérer sa production, de renforcer son maillage international (notamment en Chine) et de poursuivre ses investissements, tout en offrant de la liquidité à son actionnaire ECM Technologies. Avec une marge opérationnelle déjà solide (près de 38% visée en 2025) et un chiffre d’affaires attendu en forte progression, la PME industrielle espère convaincre le marché qu’elle peut devenir un acteur clé au service des grands équipementiers mondiaux des semi-conducteurs. Le titre sera éligible au PEA-PME.
L'agenda du lundi : La guerre commerciale
D’ici l’échéance de ce mercredi, les investisseurs devraient surtout surveiller les négociations commerciales. Ce 9 juillet devrait en théorie marquer la fin des négociations entre les États-Unis et leurs partenaires mais Trump a évoqué de possibles reports. Dans cette hypothèse, les marchés pourraient être temporairement soulagés. De même, bien sûr, si des accords sont signés avec de grands partenaires commerciaux des États-Unis. Quant au calendrier économique, on attend assez peu de publications majeures cette semaine : principalement le compte-rendu de la dernière réunion de la Fed mercredi, l’inflation allemande jeudi et celle de la France vendredi.
Demain à la Une : Le point technique
En dehors des négociations commerciales, aucun temps fort économique n’est attendu demain. On en profite pour faire un petit point technique. Dans les prochaines séances, les acheteurs viseront sur le CAC 40 les 7 725 et 7 800 points par extension. Et les vendeurs, les 7 660 et 7 575 points. On entre par ailleurs dans le début de la trêve estivale, marquée comme chaque année par une baisse traditionnelle des volumes boursiers. De quoi provoquer, potentiellement, des pics de volatilité temporaires lors d’annonces fortes. À suivre !
Le monde d'après : 1 000 milliards
Netflix incarne aujourd’hui l’un des meilleurs parcours boursiers à Wall Street. Avec une hausse de plus de 85% sur un an, le spécialiste de la vidéo à la demande rivalise désormais avec les Sept Magnifiques et figure même dans le top 20 des plus grosses capitalisations mondiales. Cette dynamique est le fruit d’une stratégie claire : renforcer sa monétisation, diversifier ses contenus, notamment vers le sport en direct, et conquérir de nouveaux marchés.
L’interdiction du partage de comptes, l’introduction de l’offre avec publicité et l’expansion vers des événements comme les matchs de football américain ou de boxe ont boosté l’audience et les revenus. De ce fait, Netflix a battu un record de recrutements d’abonnés fin 2024 et enchaîne des résultats supérieurs aux attentes.
Aujourd’hui, la capitalisation de Netflix est de 550 milliards de dollars. Mais atteindre les 1 000 milliards ne sera pas un long fleuve tranquille. La direction vise un doublement du chiffre d’affaires d’ici 2030, notamment grâce aux marchés émergents, mais certains bureaux d’analyse estiment que la marge de manœuvre se réduit aux États-Unis, déjà ultra-équipés, et que la valorisation actuelle intègre des perspectives déjà très ambitieuses.
Goldman Sachs ou Bank of America restent confiants, saluant un catalogue puissant et une montée en puissance de la publicité. Mais Morningstar, plus prudent, juge le titre survalorisé et pointe un potentiel de croissance qui pourrait s’essouffler. Netflix devra prouver qu’il peut encore élargir sa part de marché alors qu’il capte déjà deux foyers sur trois aux États-Unis. Pour les investisseurs, la trajectoire est impressionnante mais le pari d’un statut de “huitième Magnifique” reste à confirmer.