Le titre Belvédère trinque mardi à la Bourse de Paris alors qu’une partie des créanciers du groupe de spiritueux a fait part de leur opposition au plan de restructuration de la dette.
La sortie de crise ne sera pas pour tout de suite. Belvédère, en grandes difficultés financières avait établi le mois dernier un « protocole transactionnel » afin de réduire son lourd endettement. Cet accord prévoit que le spécialiste des spiritueux pourra utiliser le produit de la cession d'un actif pour financer ses besoins dans certaines conditions et empêche les différentes parties d'intenter de nouvelles actions les unes contre les autres.
Mais les porteurs d'obligations A ne l’entendent pas de cette oreille. Ils estiment que le plan d'apurement du passif est « manifestement défavorable » par rapport à celui proposé aux détenteurs de 'Floating Rate Notes' (FRN, obligations régies par le droit de l`État de New York) d'une part, et aux actionnaires de la société, d'autre part, « sans que rien ne justifie une différence de traitement aussi importante et que leurs intérêts ne sont en aucun cas suffisamment protégés. »
Pour rappel, deux scénarii alternatifs étaient envisagés pour permettre le remboursement de la Créance FRN. Dans le premier, Belvédère transforme la créance en capital. Cette solution est certes classique pour les entreprises en difficultés financières mais elle entraîne une forte dilution des actionnaires existants. L’autre hypothèse repose sur une cession d'un ou plusieurs actifs d'ici au 20 mars prochain, pour un montant permettant de servir un dividende minimum aux créanciers FRN, en application de l`ordre des privilèges, du droit des sûretés et des droits de rétention applicables. Le solde éventuel serait là aussi transformé en capital à travers une émission d'actions, comme dans l'autre scenario.
Une assemblée générale doit se tenir ce mercredi réunissant l'ensemble des créanciers titulaires d'obligations émises en France ou à l'étranger. Malgré l'opposition des porteurs d'obligations A, le plan d’apurement du passif sera entériné. Les détenteurs de FRN, dont une grande partie a déjà donné leur approbation, devraient y être majoritairement présents. Les porteurs d'obligations A préviennent néanmoins que dans ce cas, une contestation pourra être formée devant le Tribunal de commerce de Dijon dans un délai de 10 jours.
Ce rebondissement n’est que le dernier épisode d’un long feuilleton judiciaire qui oppose depuis quatre ans le groupe, septième producteur mondial de vodka, à ses créanciers. Depuis juillet 2008, Belvédère est placé sous procédure judiciaire de sauvegarde pour rééchelonner sur dix ans une dette de plusieurs centaines de millions d'euros. Mais les créanciers du groupe ne l’avaient pas entendu de cette oreille et étaient farouchement opposés à cette décision de justice. Selon les créanciers de l’entreprise en difficulté, cette décision « n'était dans l'intérêt ni de l'entreprise, ni de ses porteurs de titres » et qu'elle était « totalement inutile, dans la mesure où de claires alternatives viables existaient pour l'entreprise ». Exsangue, la société avait envisagé de se défaire de Marie Brizard, le spécialiste de l’anisette acquis mi-2005 pour désendetter rapidement. Mais il n’en fut rien… Un an plus tard, tel un serpent de mer, la rumeur d'une cession de Marie Brizard par Belvédère était à nouveau sur le tapis, étayée cette fois par les syndicats du groupe de spiritueux…Mais non, aucune cession de cette marque stratégique n’était pas à l’ordre du jour… En septembre 2010, le groupe de spiritueux avait que le processus de cession de Marie Brizard avait pris un nouveau retard. Cédera, cédera pas ? Telle est la question que se pose la communauté financière… De procédures de sauvegarde, en procédure de sauvegarde, l’aventure Belvédère se poursuivait tant bien que mal. La situation s'est envenimée début 2011 quand les créanciers de Belvédère, représentés par la banque américaine New York Mellon, ont saisi la justice française, estimant que le groupe ne respectait pas le plan de sauvegarde négocié en 2008, dont la cour d'appel de Dijon a sonné le glas le 7 juin. Et en septembre 2011, le feuilleton judiciaire prit une nouvelle tournure. Le groupe a été placé en redressement par le Tribunal de Commerce de Nîmes. Une conversion qui fait suite à la cessation de paiements de Belvédère alors que le groupe escomptait une nouvelle procédure de sauvegarde. Début janvier, la même juridiction a renouvelé la période d'observation du redressement judiciaire de la société…
Il n’est donc pas étonnant qu’il existe de grosses incertitudes sur le titre Belvédère qui reste malmené par les tribunaux et traine un passif de plus de 500 millions d’euros. A la fin 2007, le titre cotait encore 150 euros (!) et a même signé un plus haut sur les 200 euros en juillet 2007. Cet état de grâce prit fin après ce sommet. Depuis, l’action n’a cessé de trinquer en Bourse sur fonds de comptes dégradés coupellés à un fort endettement du groupe… Le titre est très volatil car évoluant au gré des décisions de justice concernant l’avenir de Belvédère. Sur la fin de l’année 2008, le dossier végétait sur les 20 euros avant d’évoluer dans un couloir compris entre les 25 et 50 euros, sur l’année 2009. En octobre 2010, le titre avait touché un plus bas à 20 euros. Depuis, le titre connait une forte volatilité : après être passé au dessus des 70 euros sur le premier tiers de l’année, il se retrouve actuellement à proximité des 55 euros.