Le projet de mariage d'EADS avec BAE Systems aura donc échoué. Ces deux poids lourds du secteur ne convoleront pas en juste noces, la famille allemande s'est opposée à cette union. Mais cette tentative de rapprochement aura eu le mérite de remettre sur la table la question de la taille critique d'une société dans un secteur ultra-concurrentiel. Les budgets alloués à la défense sont voués à se contracter des deux côtés de l'Atlantique. Alors dans ce contexte qui n'est pas favorable aux sociétés du secteur, comment vont-elles batailler pour leur survie et rester dans le haut du panier ? A moins... qu'elles se rapprochent tout simplement...
L'échec du rapprochement entre EADS et l'anglais BAE Systems fait tout bonnement les affaires de Thalès ! L'équipementier électronique et de défense qui génère pour 60% de ses facturations dans la défense et l'espace, aurait été ébranlé par l'arrivée d'un mastodonte de la défense sur ses plates-bandes... Dès lors, par période régulière, la question d'un rapprochement entre Thales et son homologue italien Finmeccanica refait surface. Les deux sociétés sont déjà liées à travers Thalès Alénia Space, leur filiale dédiée au spatial concurrente d'Astrium, la filiale d'EADS. Thalès détient 67% d'Alenia Space, le solde est entre les mains de l'italien. Mais ce schéma ne pourrait jamais voir le jour. Finmeccanica est en effet endetté jusqu'au cou, héritage d'une stratégie de croissance externe très coûteuse. Alors, un rapprochement franco-français serait plus à l'ordre du jour. Thalès est valorisé moins de 10 fois ses bénéfices escomptés pour l'année en cours, ce qui est dérisoire pour une valeur de ce secteur. Dassault Aviation serait plus que partant pour une équipe de France de la défense, lui qui détient une participation à hauteur de 26% dans l'électronicien.
Le fabricant du Rafale n'a d'ailleurs pas caché sa joie en apprenant l'échec du projet de fusion d'EADS avec BAE Systems. Dassault Aviation s'était également senti menacé par cette union. Le combat qui l'opposait à EADS/BAE Systems pouvait être encore plus rude sur l'aviation de... combat. Si le Falcon se vend plutôt très bien avec un chiffre d'affaires qui bondit de 72%, à 1,4 milliard d'euros, en revanche, les avions de combat Rafale sont loin de se vendre comme des petits pains. Dassault déplore n'avoir livré que 4 avions Rafale au premier semestre à l'Etat français contre 6 à la même période l'an passé. Pour 2012, le groupe prévoit toujours de livrer 65 avions d'affaires Falcon, deux de plus que l'an passé ainsi que 11 Rafale, et vise un chiffre d'affaires équivalent à celui de 2011, soit 3,3 milliards d'euros. Une union de raison verra-t-elle le jour avec EADS ? Hors de question, malgré les 46,3% que le groupe franco-allemand détient dans l'entre prise familiale. L'absorption de Dassault Aviation dans EADS serait difficile à digérer eu égard à l'énorme fossé quant aux deux cultures d'entreprise. Un écueil qui avait été pointé du doigt lors de l'annonce du projet du rapprochement entre EADS et de BAE Systems. Donc un rapprochement avec Thalès serait la piste la plus probable d'autant plus que la taille critique se situe aux alentours des 30 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour prétendre jouer les premiers rôles sur des programmes majeurs dans l'aéronautique.
Laurent Dassault, le directeur général de Dassault Aviation avait indiqué qu'il militait pour la création de France Aerospace qui regrouperait, autour de Dassault Aviation Thalès et Safran dans un entretien accordé à 'Décideurs TV' réagissant à l'échec du projet EADS/BAE. Mais il ne faut pas parler de taille critique à Jean-Paul Herteman, le Président-directeur général de Safran. Pour lui, Safran « n'a pas de problème de taille critique » a-t-il lancé dans une interview accordée à 'Investir-Le Journal des Finances'. « L'industrie aéronautique n'est pas une industrie de géants » a-t-il ajouté. Safran estime en effet jouer « en première division » et faire le poids dans le secteur de la défense en France. Et pour en revenir aux fiançailles d'EADS avec BAE, le motoriste n'aurait pas été impacté car ses clients resteraient les actuelles filiales d'EADS, Airbus et Eurocopter. Mais depuis plusieurs années, et par périodes régulières, une possible fusion Safran/Thalès revient au-devant de la scène médiatique. Une union qui n'a jamais été du goût de Safran, le motoriste préférant convoler en juste noces avec son homologue transalpin Avio, le fabricant de parties de moteurs. L'avenir du français est-il sans le pôle défense ? Peut être à en croire les dernières avancées stratégiques de la société. Elle a récemment fait main basse sur l'américain L-1 Idendity pour plus d'un milliard de dollars. Avec cette emplette, Safran fortifie ses positions dans la biométrie et le contrôle d'identité, ce qui lui permet d'atténuer les cycles dans l'aéronautique. Le titre est seulement valorisé 12,5 fois les bénéfices attendus pour 2013 et si ce pari sur la sécurité et le civil s'avère payant, le titre Safran pourrait retrouver de sa superbe.