Le vice ou la vertu. Les géants des vins et spiritueux titubent en Bourse depuis que Pekin a décidé d’éradiquer la corruption et la consommation ostentatoire des officiels chinois.
Place à la discrétion
L’an dernier, Xi Jinping, venait d’être élu président de la Chine. Il a fait de la lutte contre la corruption des officiels chinois une priorité. Ainsi, les fonctionnaires ont dû changer leur mode de vie. Finies les notes de frais pour régler les dépenses de divertissement, les dépenses des élus chinois sont désormais étroitement surveillées… Les restaurants, hôtels et karaokés où les officiels avaient leurs habitudes ont vu leur fréquentation refluer. Et qui dit endroit festif, dit également alcool. Et logiquement les marques qui vendent ces breuvages alcoolisés ont fait les frais de cette moralisation de la vie politique dans l’Empire du Milieu. L’ostentatoire fait place désormais à la discrétion… Diageo, propriétaire d'une partie du fabricant de baiju Shuijingfang, a vu sa croissance reculer de 1,3% lors des trois premiers mois de l'année. La performance du groupe britannique a été plombée par une chute de 19% en Asie.
Un cognac au goût amer
C’est surtout Remy Cointreau qui boit la tasse. Le deuxième groupe de spiritueux français qui a vu ses ventes annuelles chuter de 13,5 %, à 1,021 milliard d'euros l’an dernier. A taux de change et périmètre comparables, la baisse est de 10,7 %. En 2012, le groupe affichait encore une hausse de 16,5% de ses ventes. Mais Xi Jiniping et sa moralisation de la vie politique est venu mettre un terme à la fête. Et c’est surtout Remy Martin, qui faisait autrefois les beaux jours du deuxième groupe français de spiritueux, qui est le plus pénalisé par ce virage à 180 degrés décidé par Pekin. Remy Cointreau avait en effet basé sa stratégie sur des gammes de Cognac les plus élitistes, comme le Louis XIII, commercialisé au prix de 2.500 euros la bouteille. Au quatrième trimestre, les ventes de sa marque de cognac Rémy Martin ont ainsi reculé de 32,3% en données organiques, à 85,3 millions d'euros. Ce trou d’air met donc en exergue la dépendance du groupe au cognac, la boisson pèse pour 80% de son résultat opérationnel et la Chine pour environ 40%. Et Remy Cointreau va continuer à trinquer. Le mouvement anti-corruption n’est en effet pas prêt de s’arrêter. Selon Luca Marotta, directeur financier, « les actions de moralisation publique qui étaient concentrées dans les grandes villes, sont descendues dans les villes moyennes et touchent de nouveaux circuits comme les bars à la mode. Les ventes pour le Nouvel An chinois ont baissé de 40 % en 2014 par rapport à l'année précédente ». Ainsi, le groupe a été contraint de lancer un nouvel avertissement sur résultats. Il anticipe désormais une chute comprise entre 35% et 40% de son résultat opérationnel courant (ROC) 2013-2014, alors qu'il tablait en novembre sur un recul de plus de 20%.
Un avenir plus sombre pour les acteurs du secteur
Remy Cointreau n’est pas le seul à pâtir du ralentissement de la consommation de cognac en Chine. Les ventes de Hennessy, numéro un mondial du cognac appartenant à LVMH, ont chuté en Chine de près de 30% entre janvier et mars. Pernod Ricard (Martell) a été contraint de réviser en baisse ses prévisions de résultats et a dit ne pas prévoir de rebond chinois avant 2015. Le numéro un français doit passer sur le grill le 24 avril prochain à l’occasion de ses comptes du 3eme trimestre 2013/2014. Va-t-il déjouer les plus sombres pronostics ? Au vu des piètres prestations de Diageo et Remy Cointreau, le français devra prouver qu’il est doté d’une botte secrète pour séduire les investisseurs saoulés par ces avertissements sur résultats en série des acteurs du secteur.