Alors que certains économistes prédisaient que l'Europe de l'Est allait, par ricochet, subir de plein fouet les maux rencontrés par les PIGS, la Pologne fait un pied de nez aux plus pessimistes et s’affirme comme l’une des économies les plus solides de l’Union européenne.
Un contexte d’avant crise sain
Membre de l’UE depuis 2004, la Pologne est la seule économie de l’union à avoir échappé à la récession même une croissance de 1,7% au plus fort de la crise. Une santé presque insolente comparée à ses voisins hongrois et tchèques. Quelle est donc la clef de ce succès ?
Les facteurs qui ont permis à la Pologne de faire mieux que les autres tiennent dans un premier temps à la vigueur de son marché intérieur, ce qui la rendu moins dépendante des exportations et à fortiori, aux soubresauts de l’environnement économique mondial. Ainsi, le véritable atout de la Pologne fut le rôle moteur de sa demande intérieure qui a d’ailleurs progressé de 3,9% sur un an, soit le double de ce que certains analystes anticipaient, tandis que la consommation privée a augmenté de 3%.
Parallèlement, des salaires orientés à la hausse, une situation favorable sur le marché du travail en vertu d’un taux de chômage qui baisse progressivement, combinés à des taux d’intérêt exceptionnellement bas, ont permit de soutenir la confiance des ménages et par ricochet, d’amplifier la consommation. Ce bond de la demande intérieure s'explique par ailleurs par le restockage des entreprises qui avaient gelé leurs achats pendant la crise économique. Seule ombre au tableau, l'investissement privé reste faible et la large contribution du restockage à la croissance n'est qu'un facteur temporaire. Même si les investissements ont progressé par rapport à la baisse de 12,4% enregistrée au premier trimestre, le recul des investissements s'est poursuivi affichant un repli de 1,7% sur un an sur la période.
Ensuite, la solidité de son système bancaire a atténué le risque de contagion par le bais d’une crise bancaire, ce qui a permis de rassurer les investisseurs. D’autre part, le pays n’affichait pas de déséquilibre budgétaire majeur avant la crise, le gouvernement disposait donc d’une marge de manœuvre considérable afin de mener une politique budgétaire et monétaire anti cyclique, ce qui lui a permit de traverser la tempête financière sans encombre.
Une bonne gestion de la crise
Parallèlement, en réponse à la crise, le gouvernement a mis en place des mesures de relance budgétaire à hauteur de 4,5% du Pib. Une politique budgétaire menée d’ailleurs en conformité avec les recommandations du Fmi. L’économie polonaise a d’autre part bénéficié d’une ligne de crédit modulable du Fmi de 20 milliards de dollars. Il s'agit d'un crédit par précaution dans la mesure où ce type de prêt est réservé aux pays considérés par l'institution comme bien administrés. Cette ligne de crédit a eu des répercussions positives sur les marchés, puisqu’elle a renforcé la confiance des investisseurs. A titre de comparaison, les CDS à 5 ans pour la Pologne atteignent 126 points de base, tandis que son voisin hongrois voit le coût des CDS à 5 ans culminer à 316, quasiment trois fois plus. Mais les conséquences des politiques budgétaires et monétaires qui ont été mises en œuvre pour traverser la crise tiennent à l’augmentation de ses déficits. En conséquence de quoi, le déficit budgétaire est passé de moins de 2% du PIB en 2007, à 7% en 2009.
Sur le front de la politique monétaire, la Pologne, bénéficiant d’un taux de change flexible, a pu ajuster l’évolution du « zloty », la monnaie nationale, par rapport aux devises internationales. Mi 2008, il fallait 3,3 zlotys pour un euro. Fin 2009, le zloty s’est déprécié de 60% par rapport à la monnaie unique ramenant la parité à 5 zlotys pour un euro. Cette dévaluation compétitive a indéniablement permis à l’économie polonaise de gagner en compétitivité et par conséquent, de soutenir les exportations. Mais une dépréciation de cette ampleur risque de réveiller le démon,l’inflation. Conscient de cette menace, l’appréciation du zloty était inévitable. Ce fut chose faite.Désormais, il faut 3,9 zlotys pour un euro.
Portée par ses relais de croissance, l'économie polonaise a enregistré une croissance supérieure aux attentes au deuxième trimestre, soutenue en particulier par la vigueur de sa demande intérieure. Ainsi, le produit intérieur brut a crû de 3,5% au deuxième trimestre en rythme annuel, contre 3,0% au premier trimestre 2010. La Pologne semble gagner sur tous les tableaux. Tout du moins en apparence, car des défis de taille doivent être relevés. Résorption déficit budgétaire, contrôle de la politique monétaire, et surtout baisse de l'inflation, telles sont les priorités absolues du gouvernement polonais.
Toujours est-il que la Pologne fait figure d’élève modèle au sein de l’Union Européenne. Selon le bulletin du Fmi, « il est probable que la Pologne continuera d’enregistrer de meilleurs résultats que la plupart de ses pairs en Europe centrale et orientale ». Le ministère de l'Economie polonais table en effet sur une hausse de 3,3% du PIB en 2010. Ce chiffre de bon augure renforce le scénario d'une hausse des taux d'intérêts.
Car les pressions inflationnistes planent sur l’économie polonaise. D’autant plus que son ambition est d’adhérer à la zone euro. L'inflation annuelle moyenne, l'un des critères de base pour adopter la monnaie unique, s'était chiffrée en Pologne à 3,5% en 2009, contre 4,2% en 2008. Du mieux, mais il reste encore du chemin. La Pologne s’est fixée 2015 comme date butoir pour respecter en tous points les critères de Maastricht, et ainsi adhérer à l’euro. Et il semblerait qu’elle soit sur la bonne voie. En témoigne le constat selon lequel les prix à la consommation ont baissé de 0,4% en août après une baisse de 0,2% en juillet. Au final, les prix ont augmenté de 2,1% en glissement annuel. De quoi satisfaire le dogme de la Bce, intransigeante lorsqu’il s’agit du seuil des 2% d’inflation.