Mardi 20 mai

Délai entre annonce et dépôt d’un projet d’offre : un trou dans la raquette ?

Par Thomas Hornus, Associé EuroLand Corporate


Les offres publiques sont décidément à l’honneur dans notre Question Corporate ces derniers temps !

Après le Refus de conformité, c’est au tour du délai entre annonce et dépôt d’un projet d’offre obligatoire d’être sous le feu des projecteurs cette semaine.

Le 6 mai 2024, Danae Group, acteur clé des médias et de la communication, a acquis, via sa filiale à 100 % Groupe Entreprendre, un bloc de contrôle représentant 85,38 % du capital et 75,68 % des droits de vote théoriques d’Entreprendre, société cotée sur Euronext Growth.

Cette transaction, réalisée hors marché auprès du fondateur d’Entreprendre, a fait l’objet d’un communiqué de presse en date du 17 mai 2024 annonçant le dépôt par Groupe Entreprendre « dans les prochaines semaines » d’un projet d’offre publique d’achat simplifiée obligatoire.


Un cadre réglementaire clair, mais…

Sur Euronext Growth, une OPA obligatoire est déclenchée lorsqu’un actionnaire franchit, seul ou de concert, le seuil de 50 % du capital ou des droits de vote d’une société cotée (article 234-2 du Règlement général de l’AMF). Ce dispositif protège les actionnaires minoritaires en leur garantissant une sortie à un prix équitable lors d’un changement de contrôle. Avec 85,38 % du capital, Danae Group ayant largement dépassé ce seuil, est bien soumise à l’obligation de déposer une offre.

Si l’article 231-2 du Règlement général de l’AMF (RGAM) exige que l’initiateur de l’offre publique notifie l’AMF du franchissement de seuil dans les 5 jours de bourse suivant l’acquisition, il ne précise pas de délai pour le dépôt effectif du projet d’offre.

En général, il est admis que le dépôt du projet d’offre publique doit se faire dans un « délai raisonnable » après son annonce. Mais, faute de précision réglementaire, cela a abouti à des délais pouvant être compris de quelques semaines à plus de 6 mois…

Malgré l’annonce de l’OPA simplifiée le 17 mai 2024, Danae Group n’a toujours pas déposé de projet d’offre à ce jour, près d’un an après, comme l’a relevé l’AMF dans un communiqué du 13 mai 2025.


L’AMF monte au créneau

En vertu de l’article L. 621-14 II du code monétaire financier, l’AMF a enjoint à Danae Group de se conformer à son obligation dans son communiqué de presse, une intervention extrêmement rare qui souligne son rôle de garant de la transparence et de la protection des investisseurs.

Le retard, exceptionnel avec plus d’un an écoulé depuis le franchissement de seuil, fait de ce cas un précédent notable, bien que de telles injonctions restent peu fréquentes, les initiateurs se pliant généralement à leurs obligations pour éviter sanctions ou incertitudes.


Les raisons de ce retard ne sont pas publiques. Il peut être envisagé des hypothèses prudentes :

complexité dans la préparation de la documentation règlementaire nécessaire,

l’existence d’accords connexes à mettre en place entre l’initiateur et le management de la cible,

échanges avec des autorités sectorielles,

difficulté dans les travaux de la banque présentatrice ou de l’expert indépendant potentiellement impliqué, etc.

L’injonction de l’AMF impose à l’initiateur une accélération de son processus, avec une transparence accrue. Danae Group, ou sa filiale, devra collaborer avec l’AMF, qui ne manquera pas de lui demander les raisons, tout en préservant la confiance du marché. Elle met également en lumière la rigueur des règles encadrant les offres publiques et les défis d’une exécution rapide dans des opérations potentiellement complexes.


Une lacune à combler ?

Le contraste entre l’annonce d’un dépôt « dans les prochaines semaines » et un retard de plus d’un an interpelle. Cette situation met en lumière une lacune du RGAMF : l’absence d’un délai maximum précisément encadré pour le dépôt du projet d’Offre.

Si un « délai raisonnable » est implicitement attendu, sa variabilité (de quelques semaines à plusieurs mois voire un an) peut nuire à la prévisibilité et à la protection des actionnaires minoritaires.

Une solution pourrait consister à instaurer un délai maximum de 6 à 8 mois après le franchissement de seuil, avec des dérogations possibles pour les opérations complexes (OPA transfrontalières, soumises à des autorisations de concurrence, ou portant sur des instruments financiers multiples). Un tel cadre, qui pourrait s’inspirer de pratiques comme la Takeover Code britannique, qui impose des délais précis, renforcerait la discipline de marché tout en offrant une flexibilité raisonnable.

EuroLand Corporate, premier Listing Sponsor du marché Euronext Growth Paris, accompagne plus de 60 sociétés cotées, dont 37 en qualité de Listing Sponsor, dans leur stratégie de structuration et d’optimisation de leur communication financière.


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