BSPCE: la fin de l'âge d'or ?
Par Thomas Hornus, associé chez EuroLand Corporate
Alors qu’avec la remontée des taux d’intérêt, l’écosystème des start-ups françaises fait face à des difficultés de financement (cf. notre Question Corporate du 29 octobre 2024), l’actualité récente vient d’ajouter à ce contexte, déjà peu favorable, un nouvel écueil : avec le projet de loi de finances (PLF) 2025, les jeunes entreprises innovantes voient se réduire l’un de leurs atouts majeurs de fidélisation des talents, les BSPCE (cf. l'article des Echos du 8 novembre 2024). Ce dispositif fiscal, pourtant déterminant pour le dynamisme de la scène entrepreneuriale française, va perdre une partie de son avantage concurrentiel.
Les BSPCE : un acte d’investissement
Pour comprendre les enjeux de cette réforme, rappelons que les Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise (BSPCE) sont bien plus qu’un simple bonus. Ils offrent aux salariés, dirigeants et mandataires sociaux l’opportunité de souscrire au capital de l’entreprise à un prix réduit, avec un potentiel de gain à la revente. Contrairement aux actions gratuites ou aux stock-options classiques, les BSPCE impliquent un véritable risque entrepreneurial. C’est un pari sur la réussite de l’entreprise, en contrepartie d’une rémunération de base souvent inférieure au marché.
Une réforme qui modifie la règle du jeu
Avec l’article 25 du projet de loi de finances, cette dynamique est remise en question. Le dispositif législatif supprime en partie le sursis d’imposition sur les BSPCE lors des opérations d’apport-cession, ce qui change significativement l’intérêt du dispositif. Avant, lors d’un rachat d’entreprise, les salariés pouvaient échanger leurs BSPCE pour des titres de la société acquéreuse sans payer d’impôt immédiatement. Cette règle permettait aux start-ups de maintenir l’engagement des collaborateurs sans leur imposer une charge fiscale insoutenable.
Désormais, les gains d'exercice seront imposés au moment même de l’apport des titres à la nouvelle structure. Seuls les gains de cession (qui interviennent si les titres continuent de prendre de la valeur après l’exercice des BSPCE) bénéficieraient d’un report d’imposition. En d’autres termes, les collaborateurs devront s’acquitter d’un impôt bien avant de percevoir les fruits de leur investissement.
L'impact de cette réforme, invalidant une décision du Conseil d’État de février 2024, qui affirmait l’éligibilité au sursis d’imposition des BSPCE lors d’apport-cession, rompt avec plus de vingt ans de jurisprudence fiscales.
Une mesure handicapante pour l’écosystème des start-ups
Cette modification pourrait affecter la motivation des talents, et le coût fiscal inattendu pourrait peser lourdement sur eux. Tous les bénéficiaires de BSPCE ne disposent pas des ressources financières nécessaires pour payer une telle charge sans vendre toute ou partie de leurs parts.
Une telle situation créerait une inégalité parmi les salariés, où seuls les plus aisés pourraient maintenir leur participation au capital en cas de rachat, accentuant ainsi la fracture sociale dans l’entreprise reposant sur la collaboration et l’engagement des équipes.
Elle aurait également un impact direct sur la situation des salariés en fonction de leur anciennement entre salariés, l’imposition des plus récemment entrés dans la société pouvant atteindre 47,2% (en cas d’attribution des bons depuis moins de 3 ans), contre 30% pour ceux ayant déjà cumulé quelques années de présence, au risque de freiner l'innovation et la croissance en dissuadant les talents de rester dans l’entreprise.
Un impact potentiel pour les repreneurs et l’investissement en France
Du côté des acquéreurs, cette mesure ajoute une complication de taille. Les BSPCE pouvant représenter parfois un pourcentage significatif du capital des start-ups. En demandant aux porteurs de liquider une partie de leurs titres pour s’acquitter de leur impôt, ce capital serait perdu pour le repreneur qui devrait ainsi apporter davantage de liquidités à l’entreprise rendant ces transactions plus onéreuses, dissuadant les investisseurs potentiels et réduisant la compétitivité des start-ups françaises face à leurs homologues étrangers.
Une lueur d’espoir ?
Bien que cette proposition d’article a été adoptée le 8 novembre 2024, certains ajustements ont été envisagés, notamment pour les titres inscrits dans un PEA. Cette enveloppe fiscale offre un cadre protecteur, mais l’accès aux BSPCE dans un PEA est sujet à un assouplissement incertain. Un amendement leur permet de bénéficier des avantages fiscaux du PEA, mais uniquement pour les gains de cession, excluant les gains d’exercice.
Si ces proposition venaient à se confirmer dans leur intégralité, elles risqueraient de pénaliser le secteur des jeunes entreprises innovantes. Dans un contexte où l’attractivité de la France dépend en partie de sa capacité à soutenir l’innovation et à attirer des talents, ces changements pourraient ralentir la dynamique entrepreneuriale de notre économie.
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