Alors que la France empruntait pour la première fois de son histoire à des taux négatifs, c’est devenu un rituel pour l’Allemagne. L'agence de gestion de la dette allemande a réussi à lever 4,153 milliards d'euros à 10 ans assorti d’un rendement moyen de 1,31%, le plus faible jamais enregistré sur cette maturité. Le mois dernier, le rendement de l'opération similaire était ressorti à 1,52%, ce qui représente une baisse significative de 21 points de base
Signe de la défiance des marchés, la demande a également été plus importante, avec un ratio de couverture de 1,5 contre 1,4 pour l'opération précédente du même type, ce qui signifie que de plus en plus d’investisseurs sont d’accord pour payer un faible taux d’intérêt à l’Allemagne en échange d’une sécurité de placement. Sur la dette à court terme, les investisseurs sont aussi prêts à payer pour détenir des obligations allemandes. Le rendement des obligations à deux ans est passé plusieurs fois en territoire négatif cette semaine.
Dans la foulée, le 10 ans allemand est tombé à un plus bas historique sur le marché secondaire, largement sous le seuil des 1,30%, à 1,28% ce qui témoigne de l’inquiétude des investisseurs, qui continuent, malgré les avancées du sommet européen, de se réfugier sur les obligations allemandes et ce malgré leurs très faibles rendements. S’il restait ç un niveau relativement élevé par rapport à son record absolu atteint le 1 er juin, trois semaines avant le sommet européen, à 1,127%, les investisseurs sont à nouveau prêts à payer l’Allemagne en échange d’une garantie de la préservation de leur capital.
Le résultat de cette adjudication souligne ainsi, les distorsions des marchés financiers, mais surtout le manque de confiance quant à la mise en musique des mesures décidées lors du sommet européen, notamment pour soutenir les banques espagnoles et permettre au Mécanisme européen de stabilité (MES) de recapitaliser les banques et d'acheter des obligations souveraines.
De plus, un nouvel obstacle vient contrarier la recapitalisation du secteur bancaire espagnol. La Cour constitutionnelle Allemande doit en effet examiner les plaintes qui ont pour but de bloquer le processus de ratification par Berlin du mécanisme anti crise de la zone euro, le MES. Il va falloir être patient dans la mesure où la Cour constitutionnelle ne devrait pas rendre son verdict avant l'automne, si bien que le MES ne pourra pas être mis en place avant 2013, une éternité aux yeux des marchés.
Car les Européennes manquent cruellement de temps, si bien que les investisseurs redoutent que l'Espagne n’ait d’autre choix que de faire appel à l'aide internationale, ce qui dépasserait les capacités du MES et laisserait la zone euro sans défense face au risque de contagion à l'Italie, troisième économie de la zone euro dont la dette publique dépasse les 120% du PIB.
10 jours après l’euphorie suscitée par le sommet européen, le spectre d’une contagion continue de planer au dessus de la zone euro. Les premiers concernés en sont parfaitement conscients, en témoigne les propos du président du Conseil italien Mario Monti qui considère que « l'Italie pourrait être intéressée pour un recours aux fonds de sauvetage de la zone euro afin de faire baisser ses coûts d'emprunt ». A l’image de l’Espagne, Rome est aussi confronté à une hausse de ses couts d’emprunts, avec un taux à 10 ans qui dépasse fréquemment le seuil des 6%. Sur le marché secondaire, le 10 ans italien se négociait à 5,88%, contre 6,58% pour Madrid, et 2,3% pour l’OAT française.