L’embargo russe sur les exportations de blé a jeté de l’huile sur le feu sur les marchés céréaliers, entraînant une violente flambée des cours du blé sur le CBOT à Chicago et à Paris. Ainsi, le cours du boisseau livrable en septembre qui se traitait encore à 5,89 dollars fin juillet a grimpé de 7% à un pic de 8,41 dollars vendredi matin, soit un bond de 47% en l’espace de quinze jours. Même constat pour le blé coté à Paris qui a augmenté de 12% pour toucher les 236 euros par tonne. Depuis le mois de juin, le blé a flambé de 80%, c’est l’augmentation la plus rapide observée depuis 40 ans. L’annonce surprise, de l’embargo russe suite à la canicule a littéralement déclenché un vent de panique sur les marchés.
En témoigne l’impressionnant record battu en terme de volumes échangés, preuve que la volatilité est à son paroxysme. A paris, 73 000 lots ont été échangés sur la journée de vendredi, l’équivalent de 10% de la récolte française qui ont changé de mains. C’est du jamais vu. Selon Agritel, cette situation de sécheresse européenne et Russe, «a très fortement tendu le marché mondial déclenchant un tsunami de volatilité».
Pourtant, aux yeux du Premier ministre, Vladimir Poutine, cet embargo russe est un moyen approprié de contenir l’envolée des prix domestiques. Il a d’ailleurs invité le Kazakhstan et la Biélorussie, victimes également de la sécheresse et qui font partie d’une union douanière avec la Russie, à suspendre leurs exportations. Ces conditions climatiques en Russie, conjuguées aux prévisions de production inférieures au Kazakhstan mais aussi en Ukraine, ont conduit la FAO à abaisser ses prévisions de juin pour la production mondiale de blé en 2010 de 676 à 651 millions tonnes. En conséquence, certains pays s’inquiètent pour leur approvisionnement, en particulier l’Egypte, premier importateur mondial, qui va se résoudre à acheter par petites quantités pour importer directement de Rouen, le premier port céréalier européen qui n’avait auparavant pas suffisamment de capacités pour exporter en grandes quantités.
L’inquiétude est de mise, car la sécheresse en Europe de l’Est, la disponibilité de l'offre mondiale de blé, ainsi que les livraisons mondiales de blé pour 2011-2012, pourraient être amoindries. Certains spécialistes ont désormais en ligne de mire la barre des 10 dollars le boisseau sur le CBOT, son niveau de 2008 lors de la crise alimentaire mondiale. La FAO tente de rassurer les investisseurs en rappelant que «les stocks mondiaux ont été suffisamment reconstitués pour couvrir le déficit prévu de la production actuelle» après deux années consécutives de récoltes records, et que «les stocks détenus par les exportateurs traditionnels de blé restent élevés». Sauf que les réserves de blé sont inéquitablement réparties sur le globe. Les Etats-Unis détiennent à eux seuls près de 50% des réserves mondiales.
Cette semaine, le blé s’offre une accalmie, la tonne à Paris se négocie à 209 euros contre un pic à 236 euros la semaine dernière. Mais certains experts craignent que la flambée des matières premières observée en 2008 ne se répète, avec à la clef une augmentation des prix pour les consommateurs. En tout cas, l’embargo russe pénalise déjà les grands noms de l’agroalimentaire, à l’instar de Danone ou d’Unilever dont les titres décrochaient en bourse respectivement de 1,12% et 2,75%. Les brasseurs étaient les plus fortement pénalisés. Le danois Carlsberg chutait de 5,05% tandis que le néerlandais Heineken glissait de 3,49%.