Après la tragédie grecque, l’Irlande, au bord du gouffre, se retrouve au cœur de la tourmente des marchés financiers. Malgré l’annonce d’un plan d’austérité drastique, les tensions sur la dette souveraine, récemment dégradé de deux crans par S&P, occupent l’espace médiatique. Hier, le taux à 10 ans irlandais s’est rapproché du point haut de 15 ans, pour atteindre 8.88%, en hausse de 47 points de base. Plus encore que les 32% de déficit public irlandais, c’est la perspective d’une contagion aux maillons faibles de la zone euro qui inquiètent les marchés.
Et la prophétie auto réalisatrice entre en scène. Car cette peur d’une contamination pousse les opérateurs à se protéger contre un risque de défaillance. Les opérateurs anticipent le défaut de payement de l’entité, et se ruent sur les CDS, un contrat d’assurance contre un défaut de payement de l’émetteur, qu’il soit pays ou entreprise. Le phénomène est amplifié par le mécanisme du comportement moutonnier. Le coût de cette assurance bondit mécaniquement et renforce dans l’imaginaire collectif le sentiment que l’entité contre laquelle on s’assure va réellement faire faillite. C’est ce qui s’est passé pour AIB, l’Anglo Irish Bank, pourtant nationalisée depuis 2009. Le CDS à 5 ans a littéralement explosé pour atteindre 2670 points de base. A titre de comparaison, l’indice Markit iTraxx des CDS affiche une moyenne qui avoisine les 105 points.
Un exemple concret, la semaine dernière, Bank of Ireland, l’un des établissements bancaires le moins touché par la crise reconnaissait avoir perdu 10 milliards, soit 12% des dépôts après que l’agence S&P ait dégradé sa note. La défiance généralisée incite à se protéger en achetant une assurance, ou dans ce cas précis, à retirer ses dépôts de la banque. Et plus les opérateurs sont nombreux à raisonner ainsi, plus le coût de l’assurance s’élève mécaniquement. D’où l’envolée du prix des Cds constatée ces derniers temps.
Le pouvoir de la psychologie est trop souvent sous estimé sur les marchés, car les anticipations deviennent auto réalisatrices. Il devient de plus en plus difficile et onéreux pour l’entité en question de se financer sur les marchés, et créer en l’occurrence un cercle vicieux qui peut, in fine, mener à la défaillance.
Après la Grèce et le Tigre celtique, les marchés ont déjà désigné le prochain domino qui vacillera. Le Portugal. L’idée selon laquelle ce dernier soit contraint d'accepter un plan international similaire à l'aide apportée à la Grèce au printemps et maintenant à l'Irlande provoque une envolée des coûts d'emprunt des maillons faibles de la zone euro. Le taux portugais grimpait de 9 points de base, pour culminer à 6.99% alors que son Cds arrive juste derrière l’Irlande, à 483 points de base. Quant à L’Espagne, son taux renouait avec les niveaux qui prévalaient en 2002, pour un CDS qui culmine à 302 pdb, contre seulement 38 points pour l’Allemagne. Idem pour la république hellénique, qui voit son taux repasser au dessus du seuil des 11%, lorsque la crise grecque était à son paroxysme, et l’Europe contrainte de débloquer une aide dans l’urgence.