L'ONU a annoncé la semaine dernière que les prix alimentaires mondiaux avaient atteint un nouveau record en décembre. Et nombres d’experts n’anticipent pas d’inversement de tendance pour 2011. Mais jusqu’où ira cette envolée des prix ?
Il faut dire que les raisons objectives ne manquent pas pour militer en faveur d’une poursuite de la hausse des denrées alimentaires. Car comme n’importe quel produit, les prix sont fixés en fonction de la rencontre de l’offre et la demande. Du coté de l’offre, les conditions météorologiques extraordinaires tels que les inondations ou la sécheresse ont amputé les récoltes et les stocks mondiaux. Les embargos et restrictions aux exportations qui en découlent ont également pesé sur l’offre. Du coté de la demande, les besoins croissants de la population mondiale, l’aspiration légitime des pays émergents à diversifier leur alimentation, notamment en viande, font exploser les importations de produits agricoles.
Déjà en juillet, l’embargo russe sur les exportations de blé pour cause de sécheresse avait jeté de l’huile sur le feu sur les marchés céréaliers, entraînant une violente flambée des cours qui avaient doublé en trois semaines. Ainsi, le blé, l’aliment de base pour les 2/3 de la population mondiale avec le riz, a flambé de +80% en 6 mois pour s’échanger 254 euros la tonne. Agritel, société spécialisée sur les marchés agricoles, voit le cours de la tonne de blé atteindre 300$ courant 2011 alors que les stocks français de blé sont à un taux historiquement bas, en recul de 40% par rapport à l’année dernière et que la demande mondiale ne cesse de croître.
Idem pour l’huile de palme qui s’est envolée de 60%. Quant au sucre, son cours a doublé en 6 mois, pour atteindre un plus haut depuis 30 ans. Sur le colza, le marché teste les plus hauts de l’année, soutenu par les inondations en Australie. Les stocks devraient être revu à la baisse compte tenu des importations chinoises qui ne faiblissent pas et des températures extrêmes qui persistent en Argentine à un stade crucial de la floraison. En conséquence, les stocks mondiaux de maïs devraient subir le même sort, ce qui devrait encore tendre la situation.
Au delà des denrées alimentaires, c’est l’ensemble des matières premières qui flambe. L’argent par exemple a progressé de 80% sur 6 mois. Aujourd’hui encore, le cacao gagne 1.9%, le café +1%, le coton +2.8%. L’or noir a progressé de 40% pour sur la même période. Sur la semaine, il gagne encore 3% pour renouer avec les 96.6$ alors qu'une fuite sur le pipeline trans-Alaska alimentant les USA a été découverte et a provoqué sa fermeture temporaire. Un pipeline qui alimente à lui seul 10 % de la production quotidienne américaine.
D’autre part, les importations des matières premières créent de l’inflation importée. Prenons l’exemple de la Russie où l’inflation a atteint 8.8% en 2010. Le prix de l'huile de tournesol a pour sa part grimpé de 27,6% en 2010, celui du sucre de 22,5% et celui du lait et des produits laitiers de 16,7%. Sur l'ensemble de 2010, l'agence russe des statistiques a notamment observé une envolée du prix des légumes secs, un des produits de base de l'alimentation russe, avec un bond de 58,8% des prix sur un an contre une baisse de 2,5% en 2009. Les prix des fruits et légumes ont également connu une hausse fulgurante de 45,6% en 2010, contre une baisse de 1,7% en 2009.
Au delà des raisons objectives, la spéculation mondiale amplifie l’envolée des matières premières. Ces marchés, très peu régulés et encadrés sont volatils, avec des mouvements brusques. A Chicago, sur la tonne de blé, on a constaté à la fin de l’hiver des variations de plus de 100 dollars au cours d’une même séance, soit environ 20 % de la cotation du jour. La semaine dernière, le riz, une denrée de base de l'alimentation en Asie a atteint 500 dollars la tonne, pour la première fois depuis vingt ans, en dépit du fait que la récolte du premier exportateur mondial, la Thaïlande, bat tous ses records.
Le café, qui a vu son prix faire un bond de 22% depuis le début de l'année fait face à un appétit croissant des hedge funds. En témoigne le fait que le volume des contrats négociés a bondi de 50% l'année dernière. Pourtant, la consommation mondiale n'augmentera cette année que de 1,6% selon l'International Coffee Organisation.